De sudouest.fr
Grand voyageur, le fragile phragmite aquatique se repose en Charente-MaritimeUne bague posée sur un phragmite aquatique. photo biosphère environnement
Partager
Que ceux qui trouvent longue la route de retour des vacances entre Royan et Montargis mesurent ce que leur plainte peut avoir d'indécent : ils sont confortablement installés dans une voiture climatisée avec autoradio pour un voyage d'une poignée d'heures. Le phragmite aquatique, lui, mesure 13 centimètres et pèse une dizaine de grammes. Quand il décide de quitter ses quartiers d'été sur les rives de la Baltique pour ses quartiers d'hiver sur les rives du Sénégal, il prend ses ailes à son cou pour un périple aérien de quelque 8 000 kilomètres, sans aire d'autoroute, sans motel et sans GPS pour se guider. Qui dit mieux ?
« Ils volent principalement de nuit à la fraîche et se posent au petit matin pour se reposer. En fonction de leur vitesse de récupération, ils repartent le soir même ou restent plusieurs jours pour se reposer », explique Raphaël Musseau de l'équipe Biosphère Environnement (1) installée depuis début août et pour la cinquième année sur la lagune de Conchermarche, entre Mortagne-sur-Gironde et Chenac-Saint-Seurin pour observer la migration des passereaux paludicoles (2).
Douze ornithologues
« C'est une année exceptionnelle pour le phragmite aquatique. Nous savons désormais que l'estuaire de la Gironde est un site de repos majeur sur son trajet retour vers l'Afrique. Nous en avons bagué 150 début août et récupéré près de 10 % au cours du mois. Ce qui prouve qu'ils y séjournent le temps de reconstituer des réserves énergétiques », poursuit Raphaël Musseau. Le camp que les ornithologues ont établi sur les rives de la Gironde est composé de douze personnes. Des Français venus de l'estuaire de la Loire ou de celui de l'Adour, mais également des Espagnols qui étudient les phénomènes migratoires sur le littoral atlantique. Ils travaillent tous en collaboration avec l'université de Gdansk en Pologne sur le sens de l'orientation des migrateurs. L'oiseau n'a pas de frontière. Ses protecteurs non plus.
Donc, ce fameux long-courrier de 10 grammes et des poussières parti des environs de Gdansk au cœur de l'été devrait atteindre l'immensité de mangroves du parc national du Djoudj dans le delta du Sénégal, au début de l'automne. C'est l'une des plus grandes concentrations au monde d'oiseaux aquatiques. C'est la mégapole, le Tokyo ou le Mexico de la gent ailée.
Après s'être bien doré la pilule au doux soleil de l'hiver africain, au milieu des pélicans, flamants roses, jabirus et autres gros-porteurs à plumes, notre petit ULM courageux, le phragmite, reprend son vol vers la Baltique au début du printemps, mais cette fois sans faire escale en terre Saintongeaise.
« C'est un petit migrateur mondialement menacé. Avoir réussi à en baguer 150 sur un seul site est une belle victoire », s'enthousiasme Raphaël Musseau. Un peu plus au nord, dans les mizottes de la Baie de l'Aiguillon, une équipe de la Ligue pour la protection des oiseaux a fait une opération de surveillance similaire : 61 phragmites y ont été bagués en dix matinées. Un record.
(1) BioSphère Environnement, 52 quai de l'Estuaire à Mortagne sur Gironde, tél. 05 46 91 21 68 ou sur www.biosphere-environnement.com (2) Qui vit sur les bords des marais ou des étangs.