De vosgesmatin.fr
Oiseaux-Nature surveille depuis les années 80 le pèlerin. Dans les Vosges, l’oiseau mythique, véritable joyau de notre patrimoine naturel, recommence à jouer son rôle irremplaçable de prédateur en consommant des corvidés. Cependant, rien n’est garanti pour le futur du faucon et il faut rester vigilants. Il est 18 h 30. Des dizaines de corvidés se dirigent vers le bouquet d’aulnes où ils passeront la nuit. À l’arrière du groupe, un choucas a pris un peu de retard. Tout à coup, surgissant du ciel, un point noir descend presque à la verticale à une vitesse vertigineuse : c’est le pèlerin qui chasse. Les serres projetées vers l’avant, il percute le choucas : Étourdi par le choc, l’oiseau noir tombe en tournoyant. Après une brève remontée, le faucon pique à nouveau, capture le choucas entre ses serres, lui brise les vertèbres cervicales en quelques coups de son bec puissant puis il l’emporte vers la grande falaise où l’attendent ses jeunes affamés.
Un rapace qui revient de loin
À partir de la fin des années 40, l’usage intensif en agriculture de pesticides organochlorés comme le DDT a eu des conséquences dramatiques sur les populations de rapaces chasseurs d’oiseaux comme l’épervier ou le faucon pèlerin. En effet en consommant des oiseaux granivores contaminés par les pesticides utilisés pour l’enrobage des semences ils concentraient dans leur organisme ces polluants. Une des conséquences les plus visibles était l’amincissement de la coquille des œufs qui ne résistaient plus au poids de la femelle lors de la couvaison.
Connaissant de sérieux problèmes pour se reproduire, le faucon pèlerin était de plus régulièrement détruit à la chasse.
Une autre cause de raréfaction de l’espèce était liée au nouvel engouement pour la fauconnerie dans les années 60. Des dizaines de jeunes pèlerins étaient prélevés dans les aires notamment dans l’est de la France pour alimenter un trafic d’oiseaux de proies très lucratif.
Heureusement la réduction de la pollution par les organochlorés, la protection de tous les rapaces en 1972, la surveillance des sites de reproduction et l’interpellation de nombreux trafiquants a permis au faucon pèlerin qui était en voie de disparition dans notre pays de reconstituer ses effectifs depuis une trentaine d’années.
Petit mais costaud
Comparé à la buse que tout le monde connaît, le pèlerin est beaucoup plus compact. Le mâle, appelé tiercelet parce qu’il est plus petit que la femelle d’un tiers, pèse environ 600 g pour une envergure de 80 cm. La femelle, plus grosse et plus puissante, pèse environ 1 kg pour une envergure d’un mètre.
Le pèlerin a une excellente vision qui lui permet de repérer des petits passereaux de la taille d’un moineau à plus de 3 km. Grâce à ses ailes longues et effilées, il peut planer longuement très haut dans le ciel pour surveiller son territoire ou pour repérer ses proies. Celles-ci sont également détectées à partir d’un poste d’affût situé en haut d’un rocher ou d’un arbre.
Quand il a choisi sa proie, généralement un oiseau qui vole à une certaine hauteur, il effectue d’abord un vol de placement à plusieurs centaines de mètres d’altitude. Lorsqu’il a atteint le point qui lui permettra de couper la route suivie par sa cible, il entame un piqué les ailes fermées. Sa vitesse à ce moment est impressionnante puisqu’elle peut atteindre les 300 km/h. Il corrige sa trajectoire en écartant légèrement les ailes de temps en temps. Il attaque sa proie en arrivant par l’arrière, dans l’angle mort de son champ de vision. Celle-ci est alors capturée par les serres puissantes du rapace. Souvent, surtout si l’attaque se produit loin du sol, le pèlerin préfère percuter à grande vitesse l’oiseau cible qui est souvent tué par le choc, puis le récupérer ensuite après un deuxième piqué avant qu’il ne tombe à terre. Le faucon emporte ensuite sa proie jusqu’au lardoire au sommet d’un arbre mort ou d’un rocher où il va la dépecer tout en gardant un œil sur son environnement.
Au menu, des oiseaux
Comme tout prédateur, le faucon pèlerin va attaquer les espèces les plus communes de son territoire de chasse et il s’intéressera en priorité aux individus les plus faciles à capturer : jeunes inexpérimentés, oiseaux malades, volant mal, fatigués ou isolés de leur groupe.
Dans les Vosges, les petits passereaux de la taille du pinson sont surtout capturés en période de migration, notamment en automne. Le reste de l’année, le pèlerin se nourrit de merles, de grives et d’un grand nombre de corvidés : geais, corbeau freux et surtout choucas. Occasionnellement, il chasse des pigeons en ville comme à Remiremont où il a été observé en train d’en plumer un sur le toit de l’abbatiale. Il ne dédaigne pas non plus les pigeons voyageurs dont la trajectoire rectiligne facilite les attaques.
Des falaises pour nicher
Dans les Vosges, le faucon pèlerin se reproduit dans les falaises rocheuses d’origine naturelle ou artificielle : rochers granitiques des Hautes Vosges ou anciennes carrières par exemple. Le site idéal pour ce rapace, c’est une paroi rocheuse verticale avec une plate-forme étroite protégée de la pluie où il installera son aire. Objectif : empêcher si possible l’accès des mammifères prédateurs, permettre la surveillance de l’espace aérien, faciliter l’envol et assurer la protection de la nichée face aux aléas climatiques.
Le couple fréquente le site avec assiduité à partir de février. C’est à cette période que l’on peut observer des parades nuptiales spectaculaires : vols acrobatiques, salutations sur l’aire, offrandes de proies de mâle à sa femelle par exemple.
Le faucon pèlerin ne construit pas de nid. Il se contente de gratter le sol pour aménager une cuvette de faible profondeur autour de laquelle la femelle dispose en cercle des petites pierres ou des ossements provenant d’anciens repas.
Les œufs, généralement 3 ou 4 sont pondus en mars. La couvaison est assurée essentiellement par la femelle, le mâle la relayant pour une courte période le matin et le soir.
Pendant l’incubation qui dure en moyenne une trentaine de jours, le mâle se charge seul de la chasse. Il apporte les proies à la femelle qui couve. Le reste du temps, il surveille l’aire soit en la survolant à grande hauteur, soit perché sur un point dominant.
À l’éclosion, les poussins sont couverts de duvet blanc. Vers le 25 e jour, les plumes de vol brunes commencent à apparaître. Au bout de 6 semaines, les jeunes maintenant aussi gros que les adultes ont le dos brun et le ventre crème avec des petites rayures longitudinales.
Pendant toute cette période, c’est encore le mâle qui assure le ravitaillement, la femelle s’occupant de la répartition de la nourriture à la nichée et assurant sa protection. Les gros oiseaux qui passent à proximité de l’aire (rapaces, corvidés) sont presque systématiquement attaqués.
Un envol difficile
En juin, les jeunes pèlerins font leurs premières tentatives et là ils n’ont pas le choix, ils doivent se jeter dans le vide. Le problème, c’est que leur plumage n’est pas encore entièrement développé et que leur poids est à cette période supérieur à celui des adultes. Le premier vol est donc hasardeux et le retour à l’aire parfois difficile. À l’atterrissage, c’est souvent un roulé-boulé incontrôlé.
Il arrive même qu’un jeune ne parvienne pas à rentrer à l’aire : en 2009, à Saint-Amé, un jeune faucon pèlerin s’est retrouvé sur le toit d’une maison située en contrebas de la falaise. Pendant une dizaine de jours, il a été nourri par ses parents au milieu du lotissement sous les regards éberlués des habitants, avant de prendre son envol définitif.
En partenariat avec Oiseaux-Nature
www.association-oiseaux-nature.com
Tel. 03 29 32 72 72.
Sources : http://www.vosgesmatin.fr/actualite/2012/03/13/faucon-pelerin-la-fusee#jimage=929EC1AD-F1F7-4E21-821E-93D2BF6CA7E0