De air-journal.frA Orly, le ciel est dégagé. Point d’oiseau à l’horizon. Les effaroucheurs y veillent. Les oiseaux représentent un réel danger pour les avions, pris très au sérieux par les compagnies aériennes et les gérants d’aéroports.
On se souvient de cet Airbus A320 d’US Airways atterrissant sur l’Hudson River face à Manhattan en 2009. L’avion qui venait de décoller six minutes avant de l’aéroport international de LaGuardia avait en effet percuté un groupe de bernaches du Canada alors qu’il se trouvait au-dessus de New York. Le choc avait provoqué une importante perte de puissance des moteurs et obligé les pilotes à atterrir en urgence. Seule solution : amerrir sur l’Hudon River.
Chaque année, 35.000 collisions avec des oiseaux se produisent dans le monde dont 800 en France. Dans un peu plus de 15% des cas, ces incidents sont jugés sérieux. Depuis juillet 1989, tous les aérodromes français d’intérêt national ont donc une cellule de prévention du péril aviaire.
A Orly, ils sont aujourd’hui quatorze agents à faire fuir les oiseaux pour renforcer la sécurité des centaines d’avions qui décollent et atterrissent quotidiennement.
« Ici, on n’est pas à la chasse »
Parmi, eux, Philippe, agent du péril aviaire, appelé aussi plus affectueusement effaroucheur, sur la seconde plate-forme d’Ile-de-France depuis 2008. Ce Corse un peu timide et solitaire, qui travaillait auparavant dans le bâtiment à Paris, voulait intégrer les Eaux et Forêts, avant de « tomber par hasard » sur une annonce pour devenir agent du péril aviaire.
Depuis, à bord de son véhicule tout-terrain jaune, il sillonne les deux pistes d’Orly tous les jours.
La plupart du temps, il se poste au bord de la piste à l’endroit où les avions, qui décollent, lèvent le bout du nez, car c’est là qu’une collision avec un volatile est la plus dangereuse. En effet, passé une certaine vitesse, le pilote ne peut plus freiner et n’a donc pas d’autre choix que de décoller.
Le rôle de Philippe : traquer le moindre battement d’aile et faire fuir les 150 à 200 oiseaux (vanneaux, oies, pigeons, étourneaux, corneilles, buses, etc.) qui tous les jours survolent les 800 hectares d’Orly.
Comme l’explique Didier Velu, responsable de l’activité péril animalier – espaces verts :
« ici, on n’est pas à la chasse. Si l’on tue un oiseau, on sait qu’automatiquement un autre va prendre sa place ».
Et puis, il y a les espèces protégées, tels les faucons. L’accent est donc mis sur la prévention.
La plate-forme a été rendue la plus « inhospitalière possible, précise Didier Velu. Pas d’arbre, pas de point d’eau et on fauche l’herbe plus où moins haute en fonction des zones et des saisons ».
Pour accomplir sa mission, Philippe a plusieurs outils, comme des effaroucheurs électroniques. Ces haut-parleurs placés sur son véhicule et le long des pistes diffusent sur commande une dizaine de cris de détresse d’oiseaux préenregistrés.
« Certains bruits les attirent, d’autres les repoussent, indique Philippe posté ce jour là au bord de la piste sud. Les oiseaux sont plus ou moins malins. Ils apprennent vite à nous repérer et certains s’enfuient rien qu’en apercevant notre 4×4 et le gyrophare vert placé au-dessus ».
Mais ce n’est pas toujours le cas. Philippe est donc aussi équipé d’armes : un pistolet lanceur de CAPA, un révolver 9mm et un fusil de chasse calibre 12. Tous sont modifiés afin de pouvoir lancer des produits qui font beaucoup de bruit. Car même quand il sort son arme, le but de Philippe n’est pas de tuer :
« on abat un oiseau qu’en dernier recours ».
Connaître la réaction des oiseaux
Pour devenir effaroucheur, il faut passer par le Centre de Français de Formation des Pompiers d’Aéroports à Chateauroux (seuls les trois principaux aéroports gérés par ADP – Roissy, Orly et Le Bourget- bénéficient d’une brigade spéciale « péril aviaire ». Sur les autres plates-formes françaises, cette mission est dévolue aux pompiers).
Au centre, sont dispensés pendant trois semaines divers apprentissages liés au travail sur un aéroport, tels la prévention des risques, mais les futurs agents acquièrent aussi des connaissances en ornithologie.
Pour bien faire ce métier, il faut en effet connaître les oiseaux, tous ne réagissant pas pareil.
« Si la plupart s’adaptent vite, certains sont plus difficiles à effrayer. Les pigeons, par exemple, ont tendance à traverser les pistes par nuée. Les mouettes sont les plus bêtes. Si l’une d’elles plonge vers le sol pour attraper un asticot
dans l’herbe, les autres vont la suivre pour manger le même asticot… », explique Philippe le sourire aux lèvres.
Après le Centre de Chateauroux, l’agent débutant suit une formation propre à Aéroports de Paris. Il apprend tout d’abord à conduire aux abords des pistes (le code de la route n’est pas le même qu’en ville, un avion engagé étant par exemple, toujours prioritaire). Après quelques semaines passées en binôme avec un effaroucheur expérimenté, il se retrouve seul à bord de son véhicule à sillonner les pistes, soit le matin (de 04h45 à 15h15), soit l’après-midi (de 12h45 à 23h15) pour un salaire d’environ 30.000 euros par an (primes comprises) en début de carrière.
« Pour aimer ce métier, prévient Philippe, il faut apprécier la nature et la solitude ».
Source : http://www.air-journal.fr/2012-11-09-philippe-agent-du-peril-aviaire-a-orly-560565.html