De corsematin.com
Un chardonneret élégant peut se vendre sous le manteau entre 75 et 150 euros.
Certains ne reculent devant rien. Le procédé que ces deux hommes, interpellés sur la plaine de Furiani, avaient mis en place était élaboré mais il était aussi et surtout vicieux et cruel.
Afin d'attirer des chardonnerets élégants (une espèce d'oiseaux protégée), ils avaient accroché à la branche d'un arbre une cage à l'intérieur de laquelle se trouvait un passereau de la même famille. Sur une autre branche, était suspendu un téléphone portable sur lequel avait été téléchargé depuis un site Internet le piaillement de ce petit oiseau.
Et tout près de là, les branches d'un arbuste avaient été enduites de glu (!). Ainsi attirés par les cris émis par l'appât et le téléphone, sept chardonnerets élégants - faciles à capturer surtout à cette époque de l'année qui est une période de migration - sont tombés dans le piège conçu par ces deux hommes qui utilisaient ensuite de la farine pour enlever la colle.
C'est là « le kit parfait du braconnier, souligne-t-on du côté de la Ligue pour la protection des oiseaux.
Convoqués devant le tribunal correctionnel
Mais ce piège a été déjoué, dans la matinée de dimanche dernier, par les policiers de la direction départementale de la sécurité publique de la Haute-Corse.
Alertée de la présence près d'un hangar à Furiani de deux individus aux comportements suspects (mais dont les motivations étaient, à ce moment-là, encore inconnues), une patrouille de police-secours les a surpris en train de capturer ces chardonnerets élégants.
Les policiers ont saisi trois cages dans lesquelles il y avait sept passereaux. Deux ont été retrouvés morts et trois autres dans un état déplorable. Sans doute en voulant enlever la colle dont ils étaient enduits, certains de ces oiseaux y ont, malheureusement, et au sens propre, perdu des plumes.
Les braconniers, deux frères âgés de 29 ans et 18 ans, ont été interpellés puis placés en garde à vue au commissariat de Bastia où leur audition n'a pas été aisée étant donné que, de nationalité portugaise, ils ne parlent pas français.
Inconnus des services de police et résidant depuis peu en Corse, les deux individus, qui habitent Furiani, n'ont pas donné d'explications sur leur geste mais ont nié avoir capturé ces oiseaux dans le but de les revendre.
Ils devront en tout s'expliquer sur ces faits le mois prochain devant le tribunal correctionnel de Bastia. Juridiction devant laquelle ils sont convoqués pour « capture à l'aide de moyens prohibés, détention et destruction d'espèce protégée».
Un oiseau protégé mais recherché
De tels faits sont peu courants en Corse mais il y a déjà eu des précédents plus ou moins similaires. En 2008, une condamnation à une amende avait été prononcée par le tribunal correctionnel d'Ajaccio.
La police a contacté à titre d'expertise l'office national de la chasse et de la faune sauvage. Quant à la Ligue pour la protection des oiseaux, qui ne dispose pas d'antenne en Corse (le siège de cette association reconnue d'utilité publique présidée par Allain Bougrain-Dubourg se situe à Rochefort en Charente-maritime), elle attend d'avoir en main toutes les informations avant de décider si elle va ou non se constituer partie civile.
Le chardonneret élégant (dont le nom scientifique est carduelis carduelis et le nom corse a cardellina) est une espèce qui bénéficie par arrêté interministériel d'une protection totale sur le territoire français.
Malgré cela, certains le traquent pour des raisons culinaires. Et à l'instar d'autres espèces d'oiseaux, il fait également l'objet d'un trafic : des filières alimentent le marché européen et celui d'Afrique du Nord. Granivore, facile à croiser avec d'autres espèces, le chardonneret possède des qualités simplifiant son élevage. En outre, il est apprécié pour ses caractéristiques d'oiseau chanteur. Selon la LPO, un chardonneret élégant peut se vendre sous le manteau entre 75 et 150 euros.