De sudouest.frDe renards adoptés en sangliers apprivoisés, les querelles animalières encombrent les tribunaux. Menacé de mort, le procureur de Bergerac ne rigole plus, tandis qu'une nouvelle affaire de « cochonglier » s'annonce.La prévenue Mimine (Photo Sud Ouesy) Obélix, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Comme s'il n'y avait pas assez de pauvres chiens à adopter, voici le Périgord pris d'un fol amour pour les sangliers de compagnie. Outre Zouzou, fameux renardeau sans papiers dont le sort préoccupe jusqu'à la cour d'appel de Bordeaux, Mimine, Flora et Gipsy n'en finissent plus de défiler à la barre des tribunaux. Domestiquée au biberon, cette dernière pourrait d'ailleurs voir sa vie de salon interrompue par les juges mercredi prochain. À moins que la pétition lancée par ses proches ne les invite à la clémence, puisque 4 200 signatures l'ont en quelques heures déjà noircie - bien plus que pour la plupart des nobles causes humaines.
Meilleur ami de l'homme pour peu qu'il soit dressé en civet dans son assiette, pourquoi donc le cochon sauvage trône-t-il aujourd'hui à la table familiale une serviette nouée autour du cou ? « Cela a toujours existé dans les campagnes, s'agace l'avocat Éric Barateau. Sauf que l'État n'accepte plus ce qu'il tolérait autrefois. » Ardent défenseur de Minime et de Gipsy, le bâtonnier de Périgueux soupçonne derrière cette contagion l'œuvre zélée de l'Office de la chasse et de la faune sauvage. « De planques en filatures, ces agents prétextent le trouble à l'ordre public pour tenter de s'imposer comme des policiers de l'environnement. Comme si un sanglier nous mettait plus en péril qu'un gros chien ! »
Comme les ours au Canada ?
Sincère amour de l'orphelin des bois ou bien anthropomorphisme de comptoir, toujours est-il que le phénomène commence à peser sur les nerfs et sur l'agenda de monsieur le procureur de la République de Bergerac. « N'oublions pas que nous sommes sur un territoire de chasse, les défenseurs des animaux seraient horrifiés d'apprendre dans quelles conditions ces bébés animaux ont été récupérés », charge d'emblée Jean-Luc Gadaud.
Dénonçant un effet de mode décuplé par son écho médiatique, le magistrat avoue l'ingratitude de sa tâche. « Je ne supporte plus d'entendre dire que la justice veut systématiquement euthanasier ces animaux, alors que je fais tout pour donner une réponse adaptée. En l'occurrence une amende de principe, le temps de régulariser la situation par la castration ou la construction d'un solide enclos. Mais faut-il encore rappeler que personne n'a le droit de détenir un animal non domestique sans autorisation. Qu'il s'agisse d'un serpent ou d'un marcassin. Et, si l'on continue, vous verrez bientôt des sangliers déferler en centre-ville, un peu comme les ours dans certains coins du Canada. »
Le relâcherait-on d'ailleurs ici que Nounours mettrait bien vite les pattes sur la table et, parions-le, ses griffes dans le pot de miel tendu par l'autochtone. « Allons, les Périgourdins sont des ruraux, pas des bobos. Ils savent jusqu'où aller avec les bêtes sauvages », assure l'avocat Barateau.
Par d'autres prié de se recentrer sur la justice des hommes plutôt que sur celle des animaux, le procureur dit en revanche ne pas choisir ses dossiers. « Le problème, c'est que des avocats en profitent pour faire du business en radicalisant leurs clients. » Cible d'un lobby animalier dont on sait l'outrance, Jean-Luc Gadaud voit ainsi son pare-brise régulièrement fleuri de menaces de mort. « Tous les jours ou presque, sans parler d'Internet, où de courageux anonymes me traitent de nazi. »
Le sourire consterné d'avoir également eu à s'occuper de la poursuite d'une autruche, puis de l'emboutissement d'une voiture de la gendarmerie par un dromadaire, le procureur devra pourtant s'y faire. Enfant illégitime d'un fier sanglier et d'une belle cochonne, voici qu'un « cochonglier » pointe à son tour le bout de son groin sur la place publique et judiciaire du Bergeracois. « Il faut à tout prix le sauver de la mort, sans quoi c'est de ma vie dont il retournera », a déjà prévenu, tout en nuances, la présidente de l'association l'Arche de Noé. « S'ils s'échappaient dans la nature, ces animaux hybrides feraient peser un grave danger génétique sur les populations de sangliers », menace en retour le magistrat.
Mais que la crise économique se durcisse encore, et gageons que le phénomène disparaîtra de lui-même. Au fond de la gamelle.
Source : http://www.sudouest.fr/2013/02/09/c-est-le-regne-animal-a-la-barre-du-tribunal-961292-1733.php