De clicanoo.reC’est l’oiseau endémique qui nourrit la plus grande inquiétude auprès des professionnels de la faune locale. Menacé d’instinction à très court terme, le pétrel noir fait l’objet d’un plan de sauvegarde ambitieux validé très récemment au niveau national.La biologie de l’oiseau est encore un grand mystère (Photo d’archives : L.L-Y) Son cri a fait frémir des générations d’enfants à Grand Bassin et Bois Court. "Va te coucher ou grand-mère kal va venir", disaient les parents. Et dès que le timize s’approchait avec son cri lugubre, on chuchotait : "grand-mère kal est par là !".
Le timize est le surnom donné au Pétrel Noir de Bourbon. Un oiseau endémique de la Réunion qui pourrait n’être qu’une légende tant les observations et les connaissances à son sujet sont infimes. "C’est l’un des oiseaux marins les plus rares du monde", écrit la Société d’études ornithologiques de la Réunion (Séor) dans le rapport sur le Plan national d’action en faveur du Pétrel noir. Il est tellement furtif, que les scientifiques l’ont longtemps cru disparu. Il s’est écoulé 70 ans sans qu’aucun spécimen ne soit retrouvé. Les dernières estimations font état de la présence de quelques dizaines de couples sur l’île, pas plus. Jamais aucun de leur terrier n’a été découvert. Et les nuits d’écoute mise en place par la Séor pour enregistrer ses cris ne sont guère rassurantes. En 2010, sur 55 nuits de présence, seuls 3 cris ont pu être enregistrés. En 2012, sur les 800 heures d’enregistrement d’une station d’écoute automatique, aucun contact avec l’oiseau n’a pu être établi. "La population d’oiseau est tellement faible que nous sommes sur des œufs pour interpréter correctement ces résultats.
UN PLAN NATIONAL POUR LE SAUVER
En 2012, l’absence de contact peut signifier qu’il s’agit d’une année où aucun jeune adulte, dont les cris sont utilisés pour la parade amoureuse, ne soit revenu sur l’île", anticipe François Xavier Couzi, directeur de la Séor. "Malheureusement, nous avons peu d’éléments rassurants sur le Pétrel Noir, ajoute Marc Salamolard, chargé de mission faune au Parc National des Hauts.
La biologie de l’oiseau est encore un grand mystère. À peine sait-on qu’il vit longtemps, entre 15 et 25 ans selon les estimations, et à peine connaît-on son lieu de reproduction, situé entre Grand Bassin et l’Entre-Deux, en amont du Bras des Roches noirs sur l’îlet Malabars et le Rond des Chevrettes. C’est de là qu’ils prendraient leur envol à cette époque de l’année pour se diriger vers l’Océan. Sur leur chemin, chaque lumière mal orientée représente une menace. "Les habitants de grand bassin ont le souvenir que même un fanal avait tendance à les attirer", affirme Marc Salamolard. Aujourd’hui, inutile de préciser les conséquences des lumières situées entre Saint-Pierre, l’Etang-Salé et Saint-Louis.
Si les raisons de croire à la sauvegarde de l’espèce étaient faibles jusqu’à ces dernières années, un récent plan de sauvegarde, validé en début d’année au niveau national, redonne un peu d’espoir aux professionnels de la faune locale. Ce plan, initié suite au Grenelle de l’Environnement, élaboré avec plusieurs partenaires locaux (dont la Séor, la Parc National et l’Etat) prévoit 24 fiches actions à mettre en place sur les cinq prochaines années.
L’une d’entre-elles a déjà fait l’objet d’une expérimentation l’an dernier. Quatorze chats sauvages ont été capturés dans des zones très difficiles d’accès du Dimitile. Ces félins, considérés comme l’un des principaux prédateurs des Pétrels noirs, sont attirés dans les hauts par les rats, dont la population explose avec la présence de déchets sauvages. Là aussi, une vaste campagne de dératisation est envisagée. Certains ont même émis l’idée d’un épandage par hélicoptère d’un produit anti-rats sur les zones de reproduction du Pétrel noir. Cette stratégie à l’efficacité redoutable permettrait d’atteindre facilement une zone quasi inaccessible à pied. Une étude doit toutefois être menée "afin de déterminer la meilleure stratégie à employer". Plusieurs fiches actions prévoient également de lutter contre les éclairages polluants et la prolifération des déchets sauvages.
Plus original, la création d’une colonie artificielle entourée d’une palissade excluant les prédateurs est envisagée. Au total, le coût estimé de l’ensemble de ces opérations avoisine le million d’euros. Une recherche de cofinancement est en cours. Plusieurs collectivités de l’île, notamment dans le Sud, seront prochainement amenées à prendre connaissance de ce plan national d’actions. Il y a urgence pour sauver le Pétrel noir de Bourbon.
Jean-Philippe Lutton
Source : http://www.clicanoo.re/365170-un-million-d-euros-pour-sauver-le-petrel-noir-de-bourbon.html