Le « hoarding », une vraie maladie Après la découverte de 200 animaux dans un studio vendredi, une spécialiste de ces comportements déviants décrypte ce syndrome baptisé « animal hoarding ».
L'engouement pour les nouveaux animaux de compagnie (NAC), et en particulier les rongeurs, multiplie les dérives. photos xavier léoty
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Installée au Danemark après avoir longtemps œuvré au sein de la rédaction de « Science et Vie », la journaliste Marie-Sophie Germain est aujourd'hui responsable de la rubrique NAC au magazine « 30 Millions d'amis ». Spécialiste des rongeurs, elle a également consacré plusieurs ouvrages (1) à ces nouveaux animaux de compagnie.
« Sud Ouest ». L'affaire de Rochefort vous fait-elle penser à un cas d'animal hoarding assez sévère ?
Animal hoarding
Ce terme vient de l'anglais to hoard, qui signifie accumuler, entasser. C'est une pathologie, considérée comme un trouble obsessionnel compulsif, qui s'exprime par le besoin de posséder et de contrôler un nombre d'animaux très élevé, sans avoir les moyens de les maintenir dans des conditions décentes.
Les NAC
Sous cet acronyme se cachent les « nouveaux animaux de compagnie ». Bien moins conventionnelles que les chiens ou les chats, on y retrouve des bébêtes telles que rongeurs, poissons, reptiles, amphibiens, insectes, araignées, voire des cochons, des fennecs ou même des singes. Une tendance toujours plus forte dans les pays développés.
Marie-Sophie Germain. Cela y ressemble fort, en effet. La personne a entassé de nombreux animaux et les a laissés vivre dans des conditions déplorables. Quelqu'un de normal, qui se serait laissé dépasser par les événements, aurait trouvé une solution pour confier les animaux.
Considéré comme un trouble obsessionnel compulsif (TOC), le hoarding serait donc une vraie pathologie ?
Oui. À la base, il se caractérise par le besoin compulsif d'obtenir et de contrôler de plus en plus d'animaux, la plupart du temps des rongeurs, associé à un déni de leurs souffrances. Mais ces personnes présentent d'abord de vrais troubles de l'attachement. Elles ont aussi besoin de s'attirer la sympathie des gens en se faisant passer pour des sauveurs d'animaux… animaux auxquels elles disent vouer un amour inconditionnel.
À partir de combien d'animaux peut-on suspecter un « animal hoarding » ?
Ce n'est pas le nombre d'animaux qui définit le hoarding, car on peut très bien en avoir des dizaines et parfaitement s'en occuper.
Si une étude a démontré que 72 % d'entre eux étaient des femmes, peut-on affiner le portrait-robot type du hoarder ?
Dans le prolongement de ce que je vous disais, nous savons que les hoarders jettent parfois leur dévolu sur des animaux malades ou abandonnés, renforçant ainsi leur sentiment de faire une bonne action, un acte de charité même. Comme dans l'exemple rochefortais, ils les laissent également souvent se reproduire sans limite, et sans avoir ensuite le cœur de donner les petits.
Une perspective de toute façon illusoire, puisque les hoarders sont persuadés que les animaux vivent bien avec eux, et qu'ils seraient malheureux ailleurs.
Sans faire de psychologie de comptoir, sait-on d'où vient l'origine de ce mal que les Américains semblent d'ailleurs mieux connaître que nous ?
Les principales victimes sont donc des femmes, sans doute parce que certaines éprouvent le besoin de « protéger ». Beaucoup antropomorphisent ces animaux, les considérant parfois comme des enfants de substitution.
Selon les médecins qui ont enquêté sur cette pathologie, les hoarders ont souvent souffert de mauvaises relations avec leurs parents durant l'enfance. Les animaux étant alors pour eux le seul moyen de combler un vide affectif, et généralement aussi le seul élément stable de la famille. Mais si les hoarders sont la plupart du temps bien éduqués, chez d'autres la négligence envers les animaux s'étend à toute la maison.
On note régulièrement une dégradation de l'état sanitaire, sans oublier que le hoarder ne prend pas beaucoup soin de lui.
S'il s'agit bien d'une maladie, les poursuites pénales ne servent donc pas à grand-chose ?
Sauf que ce comportement est une forme de cruauté.
Il faudrait interdire à ces personnes de posséder des animaux, même si, en pratique, c'est quasiment impossible à vérifier. Sauf aux États-Unis, où il existe une police animale. De nombreux cas de hoarding y sont ainsi détectés.
Hélas souvent le dialogue empire les choses, puisque le hoarder se fait passer pour la victime de ceux qui n'aiment pas les animaux.
L'engouement pour les NAC (nouveaux animaux de compagnie) risque également d'accroître encore un peu plus ce phénomène en France…
Malheureusement, oui. Rongeurs, oiseaux, poissons sont de petits animaux faciles à « entasser ». La plupart d'entre eux sont moins bruyants que les chiens, et moins mobiles que les chats. On peut aussi les laisser en cage en permanence, et en accumuler des dizaines dans une seule pièce.
Certains hoarders cachent même leur pathologie sous l'étiquette « élevage ». C'est ainsi que nous voyons de plus en plus d'éleveurs de petites bêtes - dont certains ont pignon sur rue - qui ne sont en fait que des hoarders.
(1) Aux éditions De Vecchi
Deux cas cette année à Rochefort
L'arche de Noé version sordide. En poussant la porte du petit studio de la rue du commandant Ménard à la veille du week-end, l'enquêtrice de la Fondation Bardot est tombée nez à nez avec un spectacle jusqu'alors inédit. Dans 20 mètres carrés s'entassaient pêle-mêle 17 chats, une quarantaine de rats, mais aussi des oiseaux, tortues de Floride, poissons exotiques, cochons d'Inde, hamsters, furets, écureuils de Corée, souris et autres lapins.
Après le dépôt d'une main courante au commissariat qui pourrait déboucher sur une plainte, certains se souviennent qu'une première affaire de ce type avait secoué Rochefort au mois de février. Sur fond de misère sociale et psychologique, les policiers avaient alors découvert une dizaine de chats, deux lapins, 17 cochons d'Inde, deux perruches, quelques tortues et chinchillas abandonnés à leur triste sort.
Ils se mangeaient entre eux
Plus frappant encore, le cas de vendredi serait même inédit dans la région. 200 animaux e dans une pièce sans électricité. Pourtant rodée à ce genre de scène, Marie-Claire Pénot confirme n'avoir « jamais vu une chose pareille ». Souffrant depuis de cauchemars, l'inspectrice de la Fondation Bardot aura tout de même réussi à placer la majorité des animaux en refuges. « À notre arrivée, certains se mangeaient entre eux, quelques-uns étaient morts, et beaucoup d'autres malades. »
Selon nos informations, cette ménagerie aurait été tant bien que mal entretenue par une jeune femme d'une trentaine d'années qui rentrait chaq ue soir dormir chez sa mère. Prévenue d'une intervention imminente, celle-ci aurait quitté les lieux en laissant un mot évoquant ses difficultés financières.