De corsematin.com
Ce sont des histoires dénichées en plein cœur d'autres histoires. L'histoire, d'abord, d'un immature. C'est ainsi que l'on appelle les bébés rapaces tombés du nid, sans pouvoir remettre les gaz pour retrouver l'espace. L'oiseau a été trouvé, il y a un mois et demi, posé sur la route menant à Cozzano, dans le Haut-Taravo.
L'histoire, ensuite, d'une famille les Renucci, habitants du village qui ont gardé durant deux nuits, dans une cabane, l'oiseau orphelin. Avant de passer le relais au centre de soins des rapaces implanté à Corte.
La troisième histoire débute là, lorsque la responsable du centre, Flora Leschi, prend le rapace sous son aile. Pour lui servir de mère.
Protection et sauvegarde
La quatrième histoire peut alors commencer. Celle que les enfants et les villageois de Cozzano ont vécue hier. Pour une matinée planante. Avec, en toile de fond, la protection et la sauvegarde des espèces, que le Parc naturel régional de Corse mène tout au long de l'année. Une démarche défendue bec et ongles par le président Jean-Luc Chiappini, mais aussi Christian Cesari coordonnateur général des services et encore Jean-Luc Seta et Charles-Antoine Mondoloni, agents du PNRC, sur place pour cet envol de toute beauté.
Il était une fois une femme passionnée… « Ce que vous allez voir est exceptionnel, d'une part parce qu'il est rarissime de pouvoir approcher des rapaces d'aussi près. D'autre part, parce que nous n'avons jamais, jusqu'à aujourd'hui, lâché d'oiseaux ici. Faites doucement, ils sont stressés par la route… ».Chapeau de paille calé sur la tête, lunettes de soleil, Flora Leschi, impose le silence tranquillement. Elle vient de sortir les cages de son véhicule. À l'intérieur, un milan royal ainsi que des faucons crécerelles. Qui n'attendent qu'une chose, gagner le ciel.
Flora est partie tôt hier matin de Corte pour rallier Cozzano. Toute la population l'attendait, prévenue par une note d'information affichée sur la porte des locaux flambant neufs de la Casa d'u Parcu. Où l'accueil de Charles-Antoine Mondoloni et l'exposé de présentation sur les rapaces de Jean-Luc Seta font merveille.
Puis ce sera au tour de Flora, de répondre aux questions qui fusent de toutes parts, chuchotées pour ne pas effrayer les oiseaux.
S'attacher à distance
« Le milan est un charognard, il se nourrit d'animaux morts et prolifère au-dessus des déchetteries, ainsi que des routes nationales, où nombre de petits mammifères, comme le hérisson, se font écraser. Ce qui explique, également que beaucoup de ces rapaces soient heurtés par des voitures. Nous soignons chaque année une soixantaine d'oiseaux, parfois malades ou blessés pour des raisons diverses, amenés par des particuliers, vétérinaires, pompiers, gendarmes, mairies. Le centre de soins, créé à l'origine par Roger Maupertuis, est actuellement constitué de douze volières, d'une infirmerie, de boxes pour les entrants. Depuis le début de l'année, nous avons réceptionné trente-huit oiseaux dont dix-huit jeunes, douze poussins et six immatures. Il faut savoir que chez les rapaces, les oiseaux quittent le nid avant de savoir vraiment voler. Quand nous récupérons des immatures, il faut tout leur apprendre, notamment à s'alimenter. Mais là où les parents de l'oiseau ont besoin de trois semaines, il me faut un mois et demi ! ».
Flora Leschi traque les souris, chasse les insectes, les lézards, enseigne à ses protégés comment reconnaître leur proie.
Écrire leur propre histoire
Elle se définit comme une soigneuse et non une ornithologue, a appris sur le tas, s'attache à distance aux rapaces, car « il ne s'agit pas de les apprivoiser, il faut les rendre à l'état sauvage à la nature ».Elle ne relâche jamais les oiseaux au même endroit, sauf pour ceux qui sont restés moins de dix jours au centre. Hier, c'est le milan royal qui a, le premier retrouvé sa liberté. Quant aux faucons crécerelles, leur envol s'est fait à intervalle de trois kilomètres, stratégie de territoire oblige…
Un claquement d'ailes dans l'air, un cri court et strident, les oiseaux ont rejoint leur septième ciel. Pour écrire leur propre histoire.