De canoe.ca
Dans leurs voyages au long cours, flamants, cigognes, pélicans, rapaces et autres oiseaux migrateurs peinent bien souvent à passer entre les mailles du filet que tissent les 70 millions de kilomètres de lignes électriques déployées à travers le monde. © AFP photo | Martin Bureau
Dans la seule région Afrique-Eurasie, des dizaines de millions d'oiseaux meurent chaque année dans une collision avec ces câbles et des centaines de milliers d'autres périssent électrocutés, selon une étude publiée par la Convention sur les espèces migratrices (CMS) en marge de sa conférence internationale la semaine dernière à Bergen (Norvège).
Aux côtés de la chasse, «collisions et électrocutions sont parmi les causes d'origine humaine les plus importantes pour la mortalité des oiseaux», explique à l'AFP l'ornithologue néerlandais Hein Prinsen, le rapporteur de l'étude.
Pour ces oiseaux déjà victimes de la destruction de leur habitat par l'homme et du réchauffement climatique, ces accidents font planer une menace de déclin, voire d'extinction, au moins à l'échelle locale.
Chaque mort est un coup dur pour les plus grosses espèces au rythme de reproduction généralement lent. Chez les grues et les cigognes, la disparition d'un adulte entraîne souvent la mort des oisillons qui ont besoin de leurs deux parents.
«À l'heure actuelle, l'Europe de l'Est est un gros point noir, notamment pour l'outarde barbue et les oiseaux de proie», souligne John O'Sullivan, un ancien de la Royal Society for the Protection of Birds.
«Mais les pires problèmes pourraient bientôt se retrouver en Inde et en Afrique, où les réseaux électriques se développent à toute vitesse», dit-il.
En Afrique du Sud, 12% des grues de paradis, l'oiseau national, meurent tous les ans des suites de collisions. Sur un site d'observation en Camargue, 122 flamants roses ont aussi perdu la vie de cette manière en cinq ans.
Feu de forêt
Les collisions sont particulièrement susceptibles de se produire près de zones de regroupement, tels que les points d'eau et les couloirs de migration, tandis que les électrocutions ont souvent lieu dans des régions pauvres en végétation et donc en perchoirs naturels.
«Le coût pour la société est incontestablement élevé sous forme de pannes électriques qui paralysent l'industrie mais aussi sous d'autres formes telles que des accidents» liés à l'obscurité causée par les blackouts, estime M. O'Sullivan. «D'un point de vue financier, il est donc sensé d'essayer de résoudre ce problème», ajoute-t-il.
Les accidents peuvent avoir des conséquences insoupçonnées. «Surtout dans les zones sèches, aux États-Unis et en Europe de l'Est, il arrive que l'oiseau brûle, qu'il tombe au sol en flammes et qu'il provoque ainsi un feu de forêt», explique M. Prinsen.
Pour prévenir les accidents, les auteurs de l'étude ont recensé une série de mesures. La plus évidente est l'enfouissement des lignes électriques, une solution mise en place avec succès notamment aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et au Danemark, mais qui est aussi la plus coûteuse.
En ces temps de contraintes financières, d'autres solutions plus simples et qui ont aussi fait leurs preuves consistent à rendre les lignes électriques plus visibles grâce à des avertisseurs visuels, à les équiper de perchoirs ou encore à renforcer leur isolation.
À titre d'exemple, l'étude montre que la modification en ce sens des 46 000 kilomètres de lignes du réseau électrique hongrois coûterait quelque 220 millions d'euros, soit 10 fois moins que la facture estimée pour leur enfouissement.
Le prix à payer pour pouvoir continuer de regarder les oiseaux passer.