De ornithomedia.com
Attroupement de Goélands à ailes blanches (Larus glaucoides) dans un port des îles Féroé en janvier 2012.
Source : image extraite d'une vidéo postée par Silas Olofson
Les îles Féroé sont un archipel situé entre la Mer de Norvège et l'Océan Atlantique nord, à peu près à mi-chemin entre l'Écosse et l'Islande. Elles forment une province autonome du Danemark.
Elles accueillent au printemps des populations nicheuses importantes de Fulmars boréaux (Fulmarius glacialis), de Macareux moines (Fratercula arctica), d'Océanites tempête (Hydrobates pelagicus), de Mouettes tridactyles (Rissa tridactyla), de Guillemots de Troïl (Uria aalge), de Pingouins torda (Alca torda) et de Puffins des Anglais (Puffinus puffinus).
Situation des îles Féroé (Danemark)
Grâce à sa position géographique, une grande variété de migrateurs y a déjà été recensée (le nombre d'espèces observées a dépassé les 300), et des hivernants venus de l'Arctique y sont réguliers. C'est en particulier le cas de goélands nordiques comme le Goéland bourgmestre (Larus hyperboreus) et le Goéland à ailes blanches Larus glaucoides).
Et justement ce mois de janvier 2012 est marqué par une énorme arrivée de Goélands à ailes blanches sur les Féroé, une espèce nichant principalement au Groenland (et majoritairement sur sa côte ouest) : des centaines d'oiseaux ont déjà été vus dans les ports de l'archipel, en particulier dans les environs des pêcheries, mais aussi sur les lacs de l'intérieur. Une petite proportion d'entre eux appartiennent à la sous-espèce canadienne nichant sur l'île de Baffin appelée Goéland de Kumlien (Larus glaucoides kumlieni).
Silas Olofson, qui s'occupe du blog Birdingfaroes.wordpress.com, a par exemple observé le 6 janvier depuis sa fenêtre un groupe de 24 Goélands à ailes blanches. Le 9 janvier, trois observateurs ont compté 148 Goélands à ailes blanches. Le 10 janvier, plus de 100 oiseaux étaient présents à Klaksvík. Et les bateaux de pêche sont suivis par de dizaines d'oiseaux.
Au total, des milliers d'individus pourraient actuellement stationner dans les Féroé. Silas Olofson et un autre observateur ont compté 664 Goélands à ailes blanches (et 47 Goélands de Kumlien) en deux semaines; n'ayant prospecté que 50% des principaux ports de l'archipel, ils estiment donc leur nombre réel à plus de 1300.
L'ornithologue Jens-Kjeld Jensen (site web : www.jenskjeld.info) a noté des goélands amaigris, affamés et moribonds. Le 10 janvier, Silas Olofson a vu un oiseau se nourrissant d'un cadavre d'Oie à bec court sur la plage d'Árnafirði. Sur la plage de Sørvágur, un autre observateur a compté cinq goélands morts. Et les affrontements entre les oiseaux près des pêcheries sont nombreux.
Normalement, plus de 90% des Goélands à ailes blanches qui hivernent dans l'archipel sont des femelles (surtout des jeunes), car elles ont tendance à s'éloigner davantage des sites de nidification : mais en ce mois de janvier, environ 80% seraient des mâles. Cette proportion inhabituelle pourrait être liée à une grave pénurie de nourriture au Groenland.
https://www.youtube.com/watch?v=-oxP58zCif8&feature=player_embedded
Vidéo d'un attroupement de Goélands à ailes blanches (Larus glaucoides) dans un port des îles Féroé en janvier 2012.
Source : Silas Olofson
La population totale hivernante de Goélands à ailes blanches groenlandais serait estimée à 300 000 oiseaux. Ils hivernent essentiellement sur les côtes et au large du Groenland, notamment au sud-ouest (lors d'une étude menée en février-mars 1989 sur 6000 km² au sud-ouest de l'île, 7000 Goélands à ailes blanches avaient été comptés).
La population de l'est du Groenland hivernerait surtout en Islande : Petersen (1998) a estimé que de 5000 à 10 000 individus y passeraient la mauvaise saison, mais ces effectifs seraient variables selon les années, en particulier en fonction des conditions atmosphériques et de l'étendue de la banquise.
Ce sont normalement surtout des oiseaux qui hivernent en Islande qui atteignent les îles Féroé et la Grande-Bretagne, puis le reste de l'Europe de l'Ouest.
La proportion d'adultes au Féroé est aussi inhabituelle en ce début d'année, alors que normalement ils sont très peu nombreux : un tiers des oiseaux observés sont ainsi des adultes (dans le village de Sørvágur, Silas Olofson a par exemple compté 8 adultes sur 47 oiseaux). Les oiseaux de premier et second hiver sont présents dans les mêmes proportions, tandis que les individus de troisième hiver sont plus rares.
Cet afflux serait-il une conséquence du réchauffement climatique, avec ses effets sur l'étendue de la banquise et sur le température des océans, combiné peut-être à la surpêche qui diminue ls ressources halieutiques dans l'Atlantique Nord ?
En France aussi, le nombre de Goélands à ailes blanches observés depuis le début de janvier 2012 sur les côtes de l'ouest du pays semble supérieur à celui d'un début de mois de janvier "moyen".
Voir de nombreuses photos de l'afflux de Goélands à ailes blanches sur le blog de Silas Olofson : Birdingfaroes.wordpress.com
Et à lire sur Ornithomedia.com : Identifier le Goéland à ailes blanches de 1er hiver
Sources :
- David Boertmann, Peter Lyngs, Flemming Ravn Merkel et Anders Mosbech (2004). The significance of Southwest Greenland as winter quarters for seabirds. Bird Conservation 14:87–112. http://journals.cambridge.org
- Peter Lyngs (2003). Migration and winter ranges of birds in Greenland. An analysis of ringing recoveries. DOF. http://www.dof.dk/sider/images/stories/doft/dokumenter/doft_2003_1_1.pdf