De ornithomedia.com
Jeune Buse variable (Buteo buteo).
Photographie : Pam UK
L'adoption chez les oiseaux est la fourniture de soins à des poussins ou à des œufs par des adultes qui n'ont pas lien de parenté avec eux.
Les cas d'adoption interspécifique ont été rarement rapportés : on a toutefois noté en Amérique du Nord, des cas de Pygargues à tête blanche (Haliaeetus leucocephalus) ayant adopté de jeunes Buses à queue rousse (Buteo jamaicensis).
Ivan Literak et Jakub Mraz ont décrit en 2011 dans le Wilson Journal of Ornithology l'observation en mai 2007 d'une Buse variable (Buteo buteo), âgée d'environ deux semaines, dans un nid de Pygargues à queue blanche (Haliaeetus albicilla) à Hrachoviste, en Tchéquie. Il y avait aussi dans l'aire deux aiglons d'environ trois semaines. Les trois poussins semblaient en forme. Le 12 juin, la jeune buse s'était envolée et s'était posée dans un arbre proche, tandis que les deux jeunes pygargues étaient encore dans le nid.
Ivan et Jakub ont par ailleurs découvert des notes évoquant d'autres cas en Tchéquie et en Hongrie, ce qui suggère que l'adoption interspécifique chez les rapaces serait plus fréquente qu'on ne le pense. Par exemple, en 2000, une jeune Buse variable a également été trouvée dans un nid de Pygargues à queue blanche dans le nord de la Tchéquie.
Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer les adoptions de Buses à queue rousse par des Pygargues à tête blanche : parasitisme interspécifique, placement des buses dans des nids d'aigles par des humains et prédation non létale suivie de soins parentaux. Or le parasitisme interspécifique n'a jamais pas été notée au sein de la famille des Accipitridés, et il semble peu probable qu'une femelle de buse ponde dans une aire active de pygargues. Les œufs auraient dû ensuite être couvés par les pygargues (adultes ou jeunes, voire les deux).
D'autre part, en Europe centrale, les Pygargues à queue blanche commencent à pondre en février et l'incubation dure de 34 à 46 jours. Les Buses variables pondent à la fin du mois de mars et l'incubation dure de 33 à 35 jours. Mais il n'existe pas de cas connus de parasitisme chez les buses, et le délai entre le début des périodes de nidification des deux espèces rend ce comportement peu vraisemblable.
Le placement volontaire de poussins ou d'oeufs de buses dans des aires de pygargues, souvent difficiles d'accès, est peu aisé et n'aurait guère de sens.
Pygargue à queue balnche (Haliaeetus albicilla) adulte.
Photographie : Snowmanradio / Wikipedia
L'explication la plus plausible serait une prédation non mortelle suivie de soins parentaux. L'un des pygargues adulte aurait capturé des poussins de buses pour les apporter à ses aiglons, mais sans les tuer. Les jeunes buses, en quémandant leur nourriture, auraient ensuite stimulé la "fibre parentale" de leur ravisseur (ils étaient d'ailleurs généralement en bon état et sans signe apparent de blessures ou d'abus). Les buses se seraient nourris avec de restes, auraient volé leur nourriture ou auraient été alimentés par les pygargues adultes. Pour corroborer cette hypothèse, il faut noter que des poussins de hérons ou d'autres rapaces font parfois partie du régime des pygargues en Europe et en Amérique du Nord.
Par ailleurs, un poussin de Goéland à ailes grises (Larus glaucescens) adopté par un couple de Pygargues à tête blanche avait été découvert en Alaska.
L'adoption de poussins de Buses variables par des Pygargues à queue blanche pourrait être le résultat d'une confusion des premiers avec leurs propres petits, car il n'y a a priori aucun avantage à adopter des poussins d'une autre espèce. Les Pygargue à tête blanche et à queue blanche, comme les autres espèces qui ne nichent pas en colonie, seraient en effet incapables de distinguer leur progéniture de celle des autres espèces.
Ce type d'adoption reste toutefois surprenant en Tchéquie et en Hongrie, où le nombre de couples de Pygargues à queue blanche est relativement faible, (respectivement 50 et 180 en 2007). Inversement, la Buse variable est le rapace le plus commun de la région (11 000 à 14 000 couples nicheurs en Tchéquie en 2006).
Source :
Ivan Literak et Jakub Mraz (2011). Adoptions of Young Common Buzzards in White-tailed Sea Eagle Nests. The Wilson Journal of Ornithology 123(1). Pages 174-176. http://www.bioone.org/doi/abs/10.1676/10-084.1