De lunion.presse.fr
ARDENNES. Aigrettes blanches, buses, faucons crécerelles, hérons : une trentaine d'oiseaux, tous protégés, ont été massacrés ces derniers mois dans deux villages ardennais, en Argonne et en Thiérache. Bienvenue en barbarie.En Argonne, des hérons, buses, cormorans ont été empoisonnés. Plusieurs oiseaux ont également été pendus.
DES chouettes clouées sur une porte, qu'on laisse agoniser pendant des jours. Des cormorans vivants (ou des renards) pendus à des arbres, souffrant le martyr jusqu'à ce que mort s'en suive. Lointains souvenirs d'une époque révolue ? Non. Cela se passe aujourd'hui, dans les Ardennes.
Les gardes de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) et les amoureux de la nature de tous poils (les Ardennes n'en manquent pas, heureusement) tombent régulièrement sur ce genre de scènes sordides. A la limite de l'écœurement, ils tentent de sauver les animaux qui peuvent l'être. Mais bien souvent, pour quelques malheureux rescapés, estropiés à vie, des dizaines d'autres ont déjà succombé.
Un membre de l'association Nature et avenir et un garde de l'ONCFS témoignent aujourd'hui, à visage couvert, de deux carnages qui sont ce qu'ils ont vu de pire en 2011 dans le domaine de l'horreur.
Neuf faucons morts de faim et de soif
Le plus récent s'est déroulé à Bossus-lès-Rumigny, en Thiérache, le 16 août dernier. Il a eu pour victime des faucons crécerelles, espèces protégées s'il en est, comme tous les rapaces du reste.
Ce jour-là, un garde de l'Office découvre, dans un champ, une « corbeautière » non entretenue. Cette cage consiste à capturer des corbeaux, corneilles ou pies. Évidemment, d'autres oiseaux s'y font prendre. Raison pour laquelle - si ce piège est légal, moyennant un agrément accordé par le maire ou le préfet - il doit obligatoirement être relevé chaque jour, souvent au petit matin, afin de délivrer les espèces protégées.
Pendus vivants par les pattes
Or durant des jours et des jours, le piégeur n'a pas pris la peine de vérifier sa cage. Et lorsque le garde est intervenu, pas moins de 17 faucons crécerelles y étaient emprisonnés. « Neuf d'entre eux étaient morts de faim, de stress ou encore de soif, car on était au cœur de l'été », indique le militant associatif, qui a récupéré plusieurs survivants.
Suite à la plainte de l'ONCFS, le dossier du piégeur a été transmis à l'officier du ministère public. Il risque une amende pour infractions aux règles du piégeage. Celle-ci pourrait être plus salée si la LISA (Ligue dans l'intérêt de la société et de l'animal), comme c'est probable, porte plainte pour mauvais traitements envers les animaux (amende de 4e classe, soit 750 euros).
Le second cas relève carrément du pénal. L'ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages) a porté plainte contre un pisciculteur argonnais pour destruction d'espèces protégées. Disons que si le piégeur de Thiérache est surtout bête, le pisciculteur de l'Argonne, lui, est essentiellement méchant.
Les faits remontent à février 2011. Au milieu du mois, un garde de l'ONCFS patrouille à Lançon, dans le canton de Grandpré. Il aperçoit un héron en train de se débattre dans un étang et tente de lui venir en aide. Mais c'est déjà trop tard. Empoisonné au curater, l'oiseau agonise, depuis plusieurs heures sans doute.
« En inspectant les alentours, j'ai vite pris conscience de l'étendue des dégâts », se souvient-il. Des hérons, mais aussi des cormorans, bises, aigrettes blanches : en tout, une douzaine d'oiseaux « hyperprotégés » sont retrouvés morts. « Mais cette hécatombe devait durer depuis longtemps, et je suis persuadé que bien plus d'espèces sont mortes à cet endroit », poursuit le militant de Nature et avenir.
L'explication fait froid dans le dos. Un pisciculteur du coin, mécontent de voir les volatiles lui chiper ses poissons, en a pêché un bataillon, les a bourrés de curater et a déposé la poiscaille sur les berges. Les oiseaux s'y sont précipités et le redoutable poison, pourtant retiré du marché il y a cinq ans et désormais interdit, a fait le reste. Les plus chanceux sont morts instantanément. Les autres ont souffert le martyre jusqu'au dernier souffle.
Comme si cela ne suffisait pas, « juste pour le plaisir de faire souffrir les animaux », plusieurs ont été pendus vivants. L'adhérent de Nature et avenir dit avoir « enterré sept cormorans qui avaient encore la corde autour du cou »…
Selon l'ONCFS, le pisciculteur a reconnu le délit. Là encore, la Lisa pourrait se joindre à l'ASPAS et porter plainte pour mauvais traitements envers les animaux. Pour destruction d'espèces protégées, le pisciculteur encourt une peine pouvant aller jusqu'à six mois de prison et 9 000 euros d'amende.
Guillaume LÉVY