De liberte-algerie.com
Les émirs du Golfe viennent d’installer depuis le premier du mois en cours, un vaste campement au lieu-dit Dhayet Bellegwmiri, situé à quelque 20 km à l’est de Hassi-Dellâa. Sous bonne escorte des forces de sécurité, les braconniers se sont déplacés à bord de dizaines de 4X4, équipés de moyens de communication très sophistiqués tels que le GPS.
En dépit d'une réglementation stricte en matière de protection des espèces animales en voie de disparition, l'outarde (houbara) et la gazelle continuent à faire l'objet de capture et de chasse illégale.
Les émirs saoudiens visent encore une fois, les lieux idoines à la recherche de cette proie royale qui n'est autre que l'outarde houbara (chlamidotis), qui, nous dit-on, symbolise l’aventure de l’âme humaine. Ainsi, l'Algérie vient d'ouvrir, encore une fois, ses portes à ces princes du Golfe pour effectuer des parties de chasse de cet animal migrateur rare.
On se souvient en 2010, lorsque des émirs saoudiens accompagnés de leur personnel, au demeurant très discret, avaient été aperçus, dans la région de Ghayet El-Guelb, à quelque 50 km au sud-est de Hassi-Dellâa, commune située au sud-est de Laghouat, en direction de Zergoun et M'higuen, 150 km à l'ouest de Hassi-R’mel, et dans la région de Metlili (Ghardaïa). Cette fois-ci encore, ils viennent d’installer depuis le premier du mois en cours, un vaste campement au lieu-dit Dhayet Bellegwmiri, situé à quelque 20 km à l’est de Hassi-Dellâa. Sous bonne escorte des forces de sécurité, nous indique-t-on, les braconniers se sont déplacés à bord de dizaines de 4X4, équipés de moyens de communication très sophistiqués tels que le GPS. Ceci en sus des moyens tractables et portables faisant office de cuisine et autres moteurs électrogènes. Le tout à bord de dizaines de camions.
Selon des indiscrétions, le personnel employé dans la restauration et l’hébergement est à majorité de nationalité yéménite à côté de quelques nationaux utilisés comme guides pour ne pas s’égarer dans le Sahara. Selon des militants de la protection de la faune, une fois en Algérie, ces émirs braconniers se partagent la vaste région du sud du pays, qui s'étend sur une distance de 2 500 km allant de la zone de Oued Namous (Béchar) et Labiodh-Sidi-Cheikh (El-Bayadh), jusqu'à Biskra, en passant par Metlili (Ghardaïa), Laghouat, Djelfa et Ouargla. Et ce, à la recherche des espaces de prédilection de l'outarde et autres gibiers très recherchés tels que la gazelle. La “colonisation” des espaces de braconnage est précédée par une opération de reconnaissance effectuée par des troupes spécialisées.
Quoique le sud-est de l'Europe soit le lieu d'origine de cet oiseau, il se trouve émigré vers les pays chauds notamment la Syrie, la Jordanie, le Sinaï (Sahara égyptien) et les pays de l'Afrique du Nord, selon les spécialistes des mouvements migratoires de cette espèce animale. Mais les émirs braconniers n'arrêtent pas de traquer cet animal de pays en pays. Ces jours-ci, c’est à travers des régions du Sud, dans les wilayas de Laghouat que le braconnage se pratique à ciel ouvert. Lors des battues et dans la foulée, d'autres espèces animales telles que Lagta (appellation locale) et la gazelle dorcas (gazelle dorcas) – espèce rare vivant dans les régions d'El-Bayadh et au sud de Laghouat –, n'y échappent pas. Tout ce massacre d’une espèce protégée pour ensuite servir la viande de Lagta comme nourriture aux aigles utilisés pour la capture de l'outarde, nous dit-on. À Labiodh-Sidi-Cheikh (Djelfa), les enfants font l’école buissonnière pour céder le pigeon à 1 200 DA l’unité aux émirs braconniers pour nourrir leurs aigles.
On croit savoir que ce genre d'oiseaux échassiers à chair savoureuse, pourtant protégés par les traités et accords internationaux notamment la Convention de 1973 élaborée à Washington (États-Unis) ratifiée par l'État algérien, ainsi que la législation nationale, notamment l'ordonnance n°06-05 du 15 juillet 2006, relative à la protection et à la préservation de certaines espèces animales menacées de disparition (Jora n°47 du 19 juillet 2006), est considéré par ces touristes de luxe saoudiens comme étant du “viagra naturel”. C'est pourquoi ils semblent être intéressés spécialement, selon la population autochtone, par le cœur et le foie du gibier convoité.
Pour rappel, parmi les oiseaux protégés et cités par l'ordonnance sus-mentionnée, nous retrouvons l'outarde houbara (chlamidotis), la grande outarde (otis-tarda), l'outarde canepetière (tetrax). Quant aux mammifères protégés, on y retrouve la gazelle rouge (gazelle-ruffina), la gazelle de l'Atlas (gazelle-cuviera), la gazelle dama (gazelle-dama), la gazelle dorcas (gazelle-dorcas), la gazelle du Sahara (gazelle-leptoceros). Il faut dire que la chasse à la gazelle dans les régions du sud du pays est devenue monnaie courante ces dernières années.
Selon des sources scientifiques, sur le million d'outardes recensées dans les pays d'Afrique du Nord en 1994, dont quelque 400 000 en Algérie, ce nombre enregistre un rétrécissement telle une peau de chagrin en raison principalement de la pratique du braconnage dans les régions agropastorales, arides et semi-arides des régions du sud du pays. C'est le paradoxe entre, d'une part, assister à l'extinction de la faune sauvage qui, de notre avis, est une faune riche et variée, comme le guépard du Tassili, le cerf d'El-Kala, le mouflon de l'Atlas saharien, les différentes races de gazelles du Sahara, l'outarde, le chardonneret qui sont pourtant protégés par le décret n° 083-509 du 20 août 1983 et l'arrêté du 17 janvier 1995, et, d'autre part, envisager des politiques à même de créer une industrie touristique dans notre pays. Ainsi, leur défense n'est-elle pas une nécessité scientifique, écologique, esthétique, économique et morale ?
Le paradoxe est que les tribunaux ont traité ces dernières années plusieurs affaires portant sur le braconnage dont les auteurs sont des nationaux. La question qui reste néanmoins posée est de savoir si le même sort devrait être réservé à ces Saoudiens qui la pratiquent à ciel ouvert.