De rue89.com
Le tarin des aulnes (Robin_24/Flickr/CC)
D'un point de vue scientifique, le plumage des oiseaux serait un facteur « d'intelligence » et renseignerait les femelles sur l'habilité des mâles pour trouver de la nourriture.
Telle est la conclusion proposée par une équipe de chercheurs du Musée des sciences naturelles de Barcelone, qui vient de mettre à jour pour la première fois le lien de cause à effet existant entre la couleur du plumage des oiseaux et leurs capacités cognitives.
Colorées à base de carotènes – des pigments naturels à l'origine des teintes jaunes, rouges ou encore oranges revêtues par les oiseaux –, les plumes révèlent cette diversité chromatique. Une différence de plumage justifiée par l'incapacité des oiseaux à synthétiser ces pigments, obligés de les incorporer à l'organisme uniquement à travers des aliments tels que des grains ou des petites chenilles se nourrissant de ces graines ou d'autres plantes.
Ce qui fait dire à Fernando Mateos-González, co-auteur de l'étude publiée dans les revues Biology Letters et Nature, « qu'un individu ayant plus de couleur dans son plumage signifie probablement qu'il trouve une meilleure nourriture ».
La femelle préfère le mâle avec une bande jaune longue
Bien qu'il soit possible d'extrapoler l'expérimentation à de nombreuses espèces d'oiseaux, ces scientifiques appartenant au CSIC – le Conseil supérieur espagnol d'investigations scientifiques – ont choisi comme sujet le tarin des aulnes (Carduelis spinus).
Ce petit oiseau, qui porte une barre jaune sur les ailes, a été sélectionné en fonction d'une étude précédente. Déjà réalisée par le Musée des sciences naturelles de Barcelone, elle avait mis en lumière l'attirance des femelles de tarin – enfermées dans une cage avec deux mâles – pour leurs compagnons en vertu des dimensions de cette bande jaune. Elles passaient en effet plus de temps avec les mâles ayant des franges jaunes plus longues.
La cage avec la mangeoire mise en place pour l'expérimentation (Fernando Mateos-González)
Suite à cette étude, les scientifiques ont donc lancé une nouvelle expérimentation. Cette fois, les tarins, après avoir été privés de nourriture pendant les quatre heures précédant le test afin de les motiver, devaient accéder à une mangeoire. Cette auge contenait des graines de pin dont l'accès était partiellement bloqué par des bâtonnets. Ils pouvaient voir la nourriture mais ne pouvaient y accéder sans retirer au moins un bâtonnet qui dépassait la mangeoire de 4 cm de chaque côté.
13 secondes pour le tarin le plus rapide
Les tarins devaient accéder à celles-ci en bougeant latéralement l'obstacle à l'aide de leur patte et de leur bec, jusqu'à ce qu'une extrémité du bâton coulisse vers l'extérieur de la mangeoire.
Ces petits oiseaux d'une dizaine de centimètres avaient ainsi cinq opportunités avec un temps imparti de 300 secondes – soit 5 minutes pour chacune d'entre elles – pour réussir l´épreuve.
Le résultat ? Sur un échantillon de 29 individus, 21 l'avaient validé dont 12 dans la première épreuve. 13 secondes devaient suffire au plus rapide d'entre eux.
Qu'est-ce qui marquait la différence entre les oiseaux plus rapides et ceux plus lents ? Deux analyses statistiques mises au point par les chercheurs avaient pour but d'identifier les différences réelles entre ces deux groupes : le modèle linéaire généralisé (GLM) et l'analyse de Cox.
Fernando Mateos-González précise :
« Ce qu'on a souhaité faire à partir de ces formules statistiques est recenser toutes les variables, telles que l'âge ou la taille, qui peuvent, on croit, influer dans le fait qu'un oiseau soit plus ou moins rapide. Ces variables étaient introduites dans l'expérimentation et l'aboutissement de l'analyse nous a révélé laquelle de ces variables a influé dans le résultat. »
Le chercheur conclut :
« D'après l'analyse, les oiseaux ayant des bandes jaunes plus longues ont mis moins de temps pour résoudre le problème. »
Les femelles choisissent les « individus plus habiles »
Afin d'éviter l'erreur de mesure, les chercheurs ont pris en compte la longueur de la petite tache jaune sur la plume 6 (P6) avant l'expérimentation. La mesure de la barre jaune qu'on voit dans la P6 à l'aide d'un pied de coulisse établit la longueur moyenne des bandes colorées de cette espèce de passereau.
Mesure de la bande colorée sur la plume 6 (P6) d'un tarin des aulnes avant l'expérimentation (Fernando Mateos-González)
Fernando Mateos-González poursuit :
« Indirectement, au moment de sélectionner ces mâles, les femelles font leur choix progressivement selon ces niveaux cognitifs, dirigeant l'évolution de l'espèce vers des individus plus habiles. »
Dans la foulée de cette expérimentation, les membres du CSIC développent actuellement des études révélant comment certaines taches dans le plumage peuvent indiquer la personnalité des oiseaux. A l'image du tarin des aulnes, qui possède une espèce de bavoir noir sous le bec représentant apparemment son courage et son rang social.
A l'aide de cette expérimentation qui s'intéresse au syndrome comportemental, les scientifiques mesurent la tendance à se rapprocher d'un objet nouveau. Ceux ayant un bavoir plus grand seraient les plus hardis. Cette expérimentation est aussi en cours avec des mésanges charbonnières.