De ouest-france.frDepuis cent ans, cet archipel côtier des Côtes-d'Armor est une réserve protégée d'oiseaux marins. Un superbe site de nidification où se donnent rendez-vous fous de Bassan, macareux moines, cormorans et autres fulmars qui, le reste du temps, vivent dans les airs au-dessus des mers du monde.
Exceptée l'Île aux Moines, les six autres îles, dont cette Île Rouzic, territoire privilégié des fous de Bassan qui font jusqu'à 1,80 m d'envergure, sont interdites aux humains.
Philippe Chérel riiiiek, criiiek, criiek. » Une drôle de mélopée enveloppe la vedette qui balance devant l'Île Rouzic. « Comme des fous rires un peu rauques de milliers de grands-pères », commente Sophie Guillaume, l'animatrice de la LPO, la Ligue pour la protection des oiseaux. La centaine de curieux embarqués sur L'oiseau des îles est bouche bée. Ils découvrent l'intimité de 22 395 couples de fous de bassan agglutinés à perte de vue sur l'île blanchie par les nids.
22 395 ? Eh oui, les oiseaux ont beau être tranquilles sur leur îlot interdit aux humains, ils sont surveillés et répertoriés chaque année. « On prend plusieurs photos en hélicoptère, explique Gilles Bentz, directeur de la station ornithologique voisine de l'Île Grande. Et les nids sont comptés par trois personnes pour éviter la marge d'erreur. » Un relevé qui prouve le développement de la colonie. Près de 1 000 couples supplémentaires chaque année alors qu'il n'y en avait que trente en 1939.
Entre la vedette et la paroi rocheuse, quelques macareux moines, reconnaissables à leurs becs colorés de clown, se laissent bercer dans le clapot. Ils sont beaucoup plus petits et nettement moins nombreux (165 couples) mais c'est grâce à eux que, depuis cent ans, l'ensemble des Sept-Îles, dont l'Île Rouzic, est un sanctuaire pour les oiseaux marins.
C'était en 1912. La LPO venait d'être créée par quelques naturalistes persuadés qu'il fallait protéger les oiseaux des campagnes. Sur l'archipel, à 4 km de la côte bretonne, un drôle de ball-trap était organisé. Pour le plaisir, on venait y tirer à la carabine sur les macareux. La toute jeune LPO obtint d'interdire ce massacre et de créer une réserve.
Depuis, les 40 hectares d'îles (240 hectares à marée basse) ont subi bien d'autres attaques. Notamment les grandes marées noires de 1967 (Torrey Canyon), 1978 (Amoco Cadix) et 1980 (Tanio). Une catastrophe est toujours possible mais, depuis l'Erika en 1999, le durcissement de la réglementation et des sanctions a limité les mazoutages. Tous les périls n'ont pas pour autant disparu.
« Chaque marée noire a décimé les macareux mais, au-delà de ces pics, la population décline. Il y en avait 10 000 à la fin du XIXe et 7 000 en 1950 », constate Gilles Bentz. La faute au réchauffement de la mer et à la surpêche.
Aujourd'hui, les défenseurs de la nature ont un autre sujet d'inquiétude : un projet d'extraction de sable coquillier entre la baie de Morlaix et les Sept-Îles. « Il faut bien comprendre, poursuit le naturaliste aux cheveux argentés comme un goéland, que les Sept-Îles, c'est un site unique en France. » Par le nombre et la diversité des douze espèces. « Mais aussi par la richesse de l'écosystème de l'archipel. » Il n'y aurait pas autant d'oiseaux... sans les algues, le plancton et les poissons, pour les nourrir.
La LPO, qui fête ses cent ans aujourd'hui à Perros-Guirec en présence de son emblématique président Allain Bougrain Dubourg, a aussi des préoccupations prosaïques. Pour mener à bien, avec ses 45 000 adhérents, sa mission de protection, d'études et de sensibilisation, elle a besoin d'argent. L'un de ses combats actuels est de retrouver des financements pour payer ses animateurs.
Les passagers de L'Oiseau des îles, qui écoutent Sophie Guillaume, n'ont aucun doute sur l'utilité de ces animateurs. « C'est passionnant. Elle en connaît un sacré rayon », tranche ce couple du Maine-et-Loire. En plus, pour cette balade maritime de deux heures, ils en ont eu plein les jumelles. Outre les fous et macareux, ils ont vu des guillemots, pingouins, cormorans, goélands marins et argentés, huîtriers, la tête de l'un des quarante phoques gris... Et même quelques fulmars boréaux.
C'est le préféré de Sophie : « Ce cousin de l'albatros a une grande classe quand il vole au ras des flots. Majestueux avec ses longues ailes. Et avec un étonnant système de défense. Beaucoup plus vulnérable au sol, dans les cavités des rochers, il crache une substance alimentaire nauséabonde pour décourager ses ennemis. »
Mais le fulmar passe la plupart de sa vie dans les airs, au-dessus de l'Atlantique nord, comme la plupart des oiseaux des Sept-Îles, qui, au cours de l'été, repartent pêcher : les puffins jusqu'aux Malouines, les sternes le long des côtes africaines... Avant de revenir se reproduire dans leur idéale pouponnière bretonne.
Gilles KERDREUX
Sources : http://www.ouest-france.fr/actu/actuDet_-Les-Sept-iles-paradis-des-oiseaux-depuis-un-siecle-_3639-2082991_actu.Htm