De lejpb.comCarole SUHAS “Comme les Touaregs, les oiseaux savent lire les étoiles.” Telle en est de la migration des oiseaux, expliquée par “Bijou” Gonzalez, ornithologue passionné et “écovolontaire” qui ne compte plus les heures passées à écouter chanter ses amis à plumes. Car l’oiseau migrateur, chaque été, fait parler de lui. Pourtant, si de nombreuses espèces migrent entre les mois de juin et de septembre, c’est bien tout au long de l’année que des milliers d’oiseaux parcourent le monde à la recherche d’un coin propice à un bon repas.
Et si les oiseaux migrent, ce n’est pas comme les vacanciers pour aller se dorer la pilule au soleil, mais bel et bien pour trouver de la nourriture, quittant ainsi les terres gelées devenues stériles. “En dessous de 10°, il n’y a déjà plus d’insectes”, explique celui qui aime se faire appeler Bijou et qui aime surtout entraîner à sa suite des ornithologues en devenir ou de simples néophytes qu’il a devant lui en ce jeudi matin 2 août.
Le Pays Basque, zone de passage Des oiseaux qui se repèrent donc aux étoiles le long des grands couloirs de migration européens, mais pas seulement. “On a récemment découvert que les oiseaux diurnes peuvent aussi avoir des repères visuels tels que des voies ferrées ou des canaux”, explique le guide. “Il y a quand même plein de choses que l’on ne sait pas encore.” Des étoiles qui doivent être particulièrement lumineuses au Pays Basque qui se trouve être situé sur l’un des quatre plus grands corridors de migration de toute l’Europe.
Entre océans et massifs montagneux, le Pays Basque est propice à l’observation (ou à la chasse, selon les points de vue). “Plus on va vers l’est, plus on va vers le relief et plus les conditions climatiques deviennent un obstacle. Les oiseaux, qui peuvent aller jusqu’à 60 km/h, ne résistent pas à des vents de plus de 120 km/h tels que l’on peut parfois les trouver en montagne. Ils se décalent donc vers l’ouest, où ils sont également canalisés par l’eau”, explique Bijou à l’auditoire restreint, mais attentif. De la même façon, le désert du Sahara est également un obstacle redoutable pour tous les oiseaux migrateurs.
Parmi les oiseaux inévitables sur l’axe Pays Basque, se trouve la vedette de cette journée, le phragmite aquatique, espèce de passereau migrateur, qui part du Nord de l’Europe pour se rendre en Afrique. Et pour la rencontrer de très près, Bijou emmène tout son petit monde le long des bords de Nive pour découvrir une roselière. Qu’est-ce ? La roselière, à côté des roseaux comme le laisse supposer son nom, est un camp de baguage éphémère sur lequel ornithologues et bagueurs bénévoles se relaient du 30 juillet au 30 septembre pour étudier les comportements des oiseaux migrateurs ainsi que leurs caractéristiques.
C’est là que Melchior, bagueur bénévole pour l’association Oiso nous apprendra que le phragmite aquatique est “un oiseau très menacé au niveau européen”. Le camp provisoire de Bayonne lui est entièrement consacré, même si les bénévoles baguent aussi d’autres espèces qui se prennent dans leurs filets.
L’installation ? Des filets de plusieurs mètres de long ouverts au petit matin sur lesquels s’accrochent les oiseaux attirés par un chant enregistré sur cassette, “celui du phragmite aquatique que l’on entend normalement en Pologne ou en Ukraine”. Les bénévoles relèvent ensuite les oiseaux “attrapés” toutes les demi-heures, les baguent, les mesurent et les détaillent afin de les relâcher, le tout “en sécurité”. “Ça ne sera bien sûr jamais naturel pour un oiseau de vivre ça, mais on fait en sorte que ce soit le moins traumatisant possible”, rassure Melchior. Une fois sa bague à la patte, le phragmite aquatique repart comme si de rien n’était. Elle reste généralement quatre à cinq jours au Pays Basque pour faire des réserves de nourriture avant de poursuivre sa route vers le Mali.
Zones menacées En moyenne, les baguages peuvent aller de 20 à 100 par jour, mais une petite minorité se fait sur l’oiseau recherché. Ce jour-là, au camp de la Nive, on croise surtout des merles noirs ou des mésanges charbonnières, des espèces plutôt sédentaires que les bénévoles ne s’étonnent pas de retrouver dans leurs filets. “Au fur et à mesure que l’on avance vers le mois d’août, l’abondance diminue, puis en septembre, de nouvelles espèces migratrices font leur apparition”, continue Melchior. Au total, une trentaine d’espèces seront étudiées pendant toute la durée du camp. “On essaie de mettre en émergence certains types de comportements migrateurs en étudiant notamment la masse et les conditions énergétiques des oiseaux que l’on attrape.”
Des comportements, on peut le deviner, conditionnés par la sélection naturelle qu’implique la migration. Il est en revanche des intrusions humaines qui influent elles aussi sur la sélection, mais pas de façon naturelle du tout. C’est ainsi que les ornithologues s’alertent de l’arrivée d’Ikea à Bayonne. Le terrain qui accueillera l’immense centre commercial est en effet une aire de repos primordiale sur l’autoroute de la migration du phragmite aquatique. En faisant disparaître cette zone humide, véritable petit écosystème, “on menace ses chances d’arriver en Afrique”. Un vrai problème pour ces scientifiques, mais avant tout passionnés. “Elles trouveront sûrement un autre espace pour se reposer sur leur route, mais il ne sera pas forcément aussi idéal que celui-là”, termine Melchior.
Finalement, le camp de baguage de Bayonne est aussi là pour relever ses situations inquiétantes. Pour information, pour devenir bagueur comme Melchior et trois aides bagueurs qui étaient sur le camp jeudi, il faut obtenir un permis. “C’est trois ou quatre ans de formation pour une semaine d’épreuves très intensive.” Ainsi, au cours de l’été, la roselière de la Nive accueillera une vingtaine d’aides bagueurs sur les berges.
Source : http://www.lejpb.com/paperezkoa/20120804/355518/fr/%E2%80%9CBijou%E2%80%9D-Gonzalez--%E2%80%9CComme-les-Touaregs-les-oiseaux-savent-lire-les-etoiles%E2%80%9D