De animaux.blog.lemonde.frCommerce de perroquets. Amis des bêtes, apprenez-le si vous ne le savez déjà : l'engouement actuel pour les animaux de compagnie exotiques - lézards, serpents, suricates ou petits singes - est mauvais pour eux, mauvais pour l'environnement, mauvais pour la santé. Telle est, en substance, la teneur du rapport que la coalition internationale ENDCAP, spécialisée dans la protection des animaux sauvages en captivité, a déposé, mercredi 3 octobre, sur le bureau du Parlement européen.
Intitulé "Animaux sauvages dans l'Union européenne", ce document d'une vingtaine de pages donne un aperçu de la vitalité de ce commerce - légal ou non –, et du nombre ahurissant d'animaux exotiques détenus dans les foyers européens. Selon l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), plus de 1,5 milliard de poissons d'ornement sont ainsi exportées chaque année de plus de 100 pays, l'Union européenne constituant pour eux une porte d'entrée majeure. Dans le seul Royaume-Uni, 245 millions de ces poissons ont été importés entre 2006 et 2011, soit une moyenne de plus de 40 millions de poissons (pour combien d'aquariums ?) par an.
Si les poissons ne posent guère de problèmes à leurs propriétaires (c'est aussi pour cela qu'ils sont si nombreux), il en va autrement des reptiles, serpents, oiseaux ou singes exotiques. Souvent imprévisibles, parfois dangereux pour ceux qui les hébergent, ces animaux ne sont pas toujours adaptés à la vie en captivité. Et moins encore si l'on s'en occupe mal - ce qui est assez courant. Nécessitant des soins spécifiques et devenant trop difficiles à gérer, ils sont alors purement et simplement abandonnés, chahutant au passage l'environnement local en entrant en concurrence avec les espèces indigènes. A moins qu'ils ne meurent prématurément en captivité, ce qui a le mérite de résoudre le problème.
C'est notamment le cas des reptiles, particulièrement sensibles au stress de la captivité. Selon le rapport de ENDCAP, 90 % de ceux qui sont capturés pour l'exportation ne survivent pas à leur première année de prison, alors que leur durée de vie dans la nature s'étend de 8 à ... 120 ans (pour certaines tortues).
Qu'importent ces arguments, diront certains, il ne s'agit que d'animaux. Mais Daniel Turner, co-auteur du rapport et porte-parole de ENDCAP, aborde un autre problème, qui nous concerne cette fois directement :
"Le commerce de ces espèces ne menace pas seulement la biodiversité et l'écologie locale. De nombreux experts en conviennent, il représente aussi un risque croissant pour la santé des citoyens européens", rappelle-t-il.
Si la majorité des poissons, grenouilles, tortues, mammifères et oiseaux exotiques importés dans l'Union européenne en tant qu’animaux de compagnie sont commercialisés légalement, on estime que 25 % d’entre eux proviennent d’un trafic illégal. Outre que celui-ci compromet gravement la survie dans leur milieu de certaines espèces, ces animaux capturés dans la nature peuvent véhiculer des agents pathogènes potentiellement infectieux pour l'homme. Appelées "zoonoses", ces maladies transmises de l’animal à l’homme constituent plus de 60 % de toutes les maladies humaines infectieuses. Et 75 % des maladies émergentes.
Des exemples ? Il en existe à foison, en provenance de toutes les familles d’animaux. "La grippe aviaire et la psittacose à partir des oiseaux. La salmonellose à partir des amphibiens, des reptiles et des oiseaux. L'hépatite A, la tuberculose, la variole du singe et l’herpès virus B à partir des primates", énumère Daniel Turner. Dans les années 1960 et 1970, 280 000 cas annuels de salmonellose ont ainsi été enregistrés aux Etats-Unis, chez des enfants possédant une petite tortue aquatique. Au point que le commerce intérieur des tortues de moins de 10 cm de long y a été interdit en 1975. Avec comme résultat une diminution de 77 % de ces gastro-entérites dans l'année suivante.
Considérant qu'il est du devoir de la Communauté européenne, notamment dans le cadre de sa stratégie sur les espèces exotiques envahissantes, de restreindre ce commerce contre-nature, ENDCAP recommande à la Commission et aux États membres de "revoir d'urgence les impacts causés par le commerce des animaux de compagnie sauvages en ce qui concerne la biodiversité, les espèces exotiques, la sécurité publique et le bien-être animal". La coalition d'ONG demande également que "des mesures appropriées et immédiates soient prises pour harmoniser la réglementation de protection des animaux dans l'Union européenne". Et que les contrôles à l'importation soient étendus afin d'inclure la certification selon laquelle "la capture, le stockage et l'expédition des animaux sauvages n'entraînent pas de souffrance".
Gare aux dents du singe capucin ! La Commission européenne inscrira-t-elle ce sujet sur son prochain agenda ? Le commerce des animaux exotiques représentant chaque année un marché international de plusieurs milliards d'euros, on se doute que l'affaire ne sera pas simple. En attendant, chacun reste libre d'accueillir dans son foyer un iguane, un chien de prairie ou un cacatoès plutôt qu'un chien ou un chat. Mais en adoptant, en même temps que ce nouvel arrivant, un comportement responsable.
Catherine Vincent
Source : http://animaux.blog.lemonde.fr/2012/10/04/halte-au-commerce-des-animaux-de-compagnie-exotiques/