De lorientlejour.comLa Société pour la protection de la nature au Liban milite en faveur d’une nouvelle loi sur la chasse.
En dépit de l’interdiction de chasser, des braconniers sévissent tout le long de l’année. Le Liban, l’un des plus importants corridors d’oiseaux migrateurs au monde, est devenu au fil des années un cimetière pour ces volatiles voyageurs, victimes d’une chasse sauvage. Cependant, la Société pour la protection de la nature au Liban (SPNL), le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), le ministère de l’Environnement et le Global environemnt facilities (GEF) s’appliquent à faire entrer en vigueur une nouvelle loi sur ce plan d’ici à septembre. Leur but : essayer de sensibiliser à ce problème un maximum de personnes, et surtout les jeunes. Dans ce cadre, un séminaire a eu lieu avec les différents membres du secteur libanais de l’éducation. « Les enfants suivront des cours sur l’environnement. Ils prendront conscience de la gravité de la situation au Liban du fait de la chasse non responsable », souligne Saleem Hamadeh, l’un des directeurs du projet, à l’adresse des différents participants.
Chaque année, des espèces devenues rares sont abattues par des chasseurs peu scrupuleux de l’environnement. « Il y a 400 espèces entre oiseaux migrateurs et oiseaux permanents au Liban, uniquement 10 de ces espèces peuvent être chassées », explique Assad Serhal, directeur général du SPNL.
La chasse est interdite depuis 1995 dans le pays, mais en 2004, une nouvelle loi a été élaborée sans être encore promulguée par le Parlement. Elle promeut l’idée d’une « chasse durable », selon Assad Serhal. « Cette loi régulerait ce business. Il ne sera possible de chasser qu’entre septembre et février. Un quota d’oiseaux par chasseur sera défini, et une campagne de sensibilisation devra être lancée. Enfin, il ne sera possible de chasser qu’une fois obtenue la licence de chasse », conclut M. Serhal.
Face aux lobbies de la chasse, c’est un vrai front antichasse qui s’est construit au Liban avec à la tête le Haut conseil de la chasse, présidé par le ministre de l’Environnement, Nazem el-Khoury. « Avec tous ces changements, nous espérons vraiment réussir à faire passer cette loi », déclare Assad Serah.
L’ignorance des chasseurs
La chasse est considérée au Liban comme une activité socio-économique. Photos, narration d’exploits... Il suffit d’un clic sur certains forums Internet pour réaliser l’importance de ce fléau dans la société. À titre d’exemple, sur la page Facebook d’un groupe de « Hunting », les chasseurs exhibent sans aucune pudeur les carcasses des oiseaux tués. Fiers, ils brandissent dans leur poing une dizaine de petits volatiles, ou sourient au milieu de cigognes mortes. Pour eux, c’est un vrai trophée.
« Les Libanais commencent à chasser jeunes. Lorsqu’ils passent leur premier certificat scolaire, les parents offrent aux enfants leur premier fusil de chasse. Ainsi, il faut les sensibiliser dès leur plus jeune âge », relève Assad Serhal.
La chasse reste une activité masculine. Aucune femme chasseur n’a encore été recensée au Liban. « C’est une très bonne nouvelle pour la SPNL. Par le biais des mères, on peut souhaiter toucher une fois de plus les enfants, car ce sont elles qui les éduquent. » La SPNL pourrait ainsi espérer éradiquer le problème de la chasse à sa source.
Au Liban, il n’existe aucun réel code de conduite et les règles de sécurité sont laissées à l’appréciation de chacun lorsqu’il s’agit de chasser. Ainsi, la plupart des chasseurs ignorent l’impact de cette pratique débridée. « Des contrôles existent, mais les personnes qui s’en occupent n’ont reçu aucun entraînement pour l’exercer correctement. Parfois, ils ferment aussi un œil sur ce qui se passe, déclare Assad Serhal, et beaucoup de chasseurs ne savent pas quoi, ou comment chasser, ils tuent, c’est tout », s’exclame-t-il.
La chasse ou le désastre écologique
Aujourd’hui, une vingtaine de réserves naturelles et de biosphères ont été créées pour protéger les oiseaux. Mais elles sont régulièrement envahies par les chasseurs. Le danger existe aussi pour les oiseaux résidents. Des 400 espèces d’oiseaux recensées au Liban, plus de la moitié sont migrateurs. Le Liban a la particularité d’offrir des habitats divers : plaines, montagnes, régions semi-désertiques, mer, rivières et réserves naturelles. Autant d’habitats très appréciés des oiseaux. « Dans le pays, il existe 15 importantes aires où se concentrent les oiseaux. Certaines de ces zones sont privées, d’autres appartiennent au gouvernement ; il faut donc trouver une solution pour les préserver de la même manière », indique Saleem Hamadeh.
Il faut savoir que le phénomène de la migration permet aux différentes espèces d’oiseaux de survivre. Les flux migratoires sont très réguliers d’année en année, et sont donc prévisibles pour les chasseurs. Les volatiles sont alors vulnérables. Chaque année, pendant la période de migration, les chasseurs sortent leur artillerie. Des hordes de braconniers s’agglutinent alors dans les points stratégiques pour tirer sur tout ce qui vole, sans se soucier de l’espèce touchée, ou du nombre d’oiseaux tués. « Mais ici, les gens chassent à toute période de l’année. Il n’y aucun contrôle », déplore Assad Serhal.
Mais les oiseaux ne sont pas les seules victimes. Le plomb des balles contamine l’environnement, et surtout « le manque de maîtrise des armes à feu tue même des humains », s’alarme le directeur général de la SNPL.
Pour l’heure, les différentes organisations sont en train de faire ce qui est en leur pouvoir pour former une police professionnelle, définir des quotas de chasse et un système de surveillance efficace, éduquer et sensibiliser la population pour une meilleure prise de conscience générale. Tout cela pour septembre. Un but qui permettra, si ce n’est de chasser la chasse, tout au moins de la réguler.
Source : http://www.lorientlejour.com/category/%C3%80+La+Une/article/763423/Liban_%3A_Pour_une_chasse_la_fleur_au_fusil.html