De ornithomedia.comUn nombre important de Busards pâles est observé ce printemps en France : nous publions les résultats d’une étude menée par des ornithologues italiens.Busard pâle (Circus macrourus) mâle adulte.
Photographie : Thomas Krumenacker Un nombre élevé de Busards pâles (Circus macrourus) (27 oiseaux) a été observé lors de la migration prénuptiale en France entre le 19 mars et le 15 avril 2013, dont une majorité de mâles adultes (voire dans notre rubrique Observations une synthèse du nombre de Busards pâles identifiés ce printemps).
Michele Panuccio et Nicolantonio Agostini ont effectué un suivi du passage de cette espèce et du Busard cendré (Circus pygargus) au-dessus de l'île d'Ustica (une petite île située à 60 km au nord-ouest de la Sicile) et du détroit de Messine (lire Observer les oiseaux en Sicile) entre le 1er avril et le 20 mai en 2002 et 2004.
L'aire de nidification principale du Busard pâle se situe en Europe de l'Est et en Asie centrale, et il hiverne en majorité en Afrique tropicale et en Asie du sud, même si certains individus passent la mauvaise saison au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Le Busard cendré est un visiteur d'été en Europe et en Asie occidentale et centrale, qui hiverne en Afrique sub-saharienne et en Asie centrale (sous-continent indien et régions adjacentes).
Contrairement à la plupart des autres rapaces qui préfèrent migrer au-dessus des terres, les busards n’hésitent pas à traverser de grandes étendues marines grâce à leur vol battu puissant. Pour cette raison, peu de concentrations de ces oiseaux sont notées au-dessus des grands sites de suivi de la migration des rapaces. Au printemps, un passage significatif de Busards pâles et cendrés est observé depuis certains sites de suivi dans le centre de la Méditerranée (en Italie et en Tunisie).
Au total, 40 Busards pâles ont été identifiés au-dessus d'Ustica et 25 au-dessus du détroit (passages estimés respectifs de 66 et 35 oiseaux). Le nombre de femelles adultes dépassait celui des mâles, tandis que les adultes étaient plus nombreux que les juvéniles. Les périodes de passage des adultes et des juvéniles se chevauchaient largement.
126 Busards cendrés ont été comptés au-dessus d'Ustica et 143 au-dessus du détroit (passages estimés respectifs de 184 et 195 oiseaux). Le nombre d'adultes dépassait celui des juvéniles, mais la proportion de juvéniles était plus élevée que chez le Busard pâle. Chez le Busard cendré, la différence entre le nombre de mâles et de femelles n'était pas significative. Le pic du passage du nombre de mâles adultes était atteint avant celui des femelles adultes, tandis qu'aucun pic n'avait été constaté chez les juvéniles. Notons que la plus grande facilité d’identification des mâles adultes que des femelles ou des juvéniles pourrait peut-être également influencer quelque peu ces résultats (lire Identifier le Busard pâle).
Corso et Cardelli (2004) ont supposé que les Busards pâles qui traversent l'étendue marine entre le Cap Bon (Tunisie) (participez au camp de suivi de la migration des oiseaux au Cap Bon en 2013) et l'ouest de la Sicile, bifurquent ensuite au-dessus du détroit de Messine (62 oiseaux comptés en moyenne par an entre 1997 et 2001, et 132 en 2001, essentiellement des juvéniles). Un important passage printanier est aussi observé au-dessus de Malte et du cap d'Otrante (sud de l'Italie).
Ces résultats semblent montrer que les busards ont tendance à migrer le long de voies parallèles au-dessus de la Méditerranée centrale. Les oiseaux quittant l'Afrique au niveau du cap Bon pourraient ensuite être ceux qui sont observés au-dessus d'Ustica, tandis que ceux vus au-dessus du détroit de Messine pourraient avoir traversé la Méditerranée en survolant Malte et d'autres petites îles entre la Tunisie et le sud de la Sicile. Toutefois, dans le cas de conditions météorologiques difficiles, des oiseaux pourraient préférer éviter de survoler la mer Tyrrhénienne (la partie de la Méditerranée comprise à l'ouest par la Corse et la Sardaigne, à l'est par la péninsule italienne, et au sud par la Sicile) et décideraient de passer au-dessus du détroit de Messine.
Alors que les juvéniles de nombreuses espèces de rapaces ont tendance à rester dans leurs zones d'hivernage au cours de leur premier été, un nombre apparemment significatif de Busards pâles juvéniles entreprennent leur voyage vers le nord.
Généralement, chez les migrateurs sur de longues distances, les juvéniles migrent plus tard que les adultes au printemps. Chez le Busard pâle par contre, Corso et Cardelli ont constaté entre 1997 et 2001 un large chevauchement des dates entre les classes d'âges. Comme chez le Busard des marais (Circus aeruginosus), ce résultat s'expliquerait par un passage simultané des juvéniles hivernant non loin de la Méditerranée centrale et des adultes passant l'hiver en Afrique tropicale. Contrairement à ce qu'ont constaté Corso et Cardelli (2004), Michele Panuccio et Nicolantonio Agostini n'ont pas noté de passage marqué plus précoce des mâles adultes, bien que leur migration était plus concentrée que celle des femelles entre le 1er et 20 avril. Chez cette espèce, la polygynie (un mâle s'accouple à plusieurs femelles) est a priori inconnue, et les adultes arrivent appariés sur les sites de migration. Par contre, chez le Busard cendré, la polygynie est fréquente, et les mâles arrivent avant les femelles.
Les proportions des oiseaux selon les sexes observées pourraient refléter celles dans leurs zones d'hivernage en Afrique de l'Ouest; en particulier, des observations au Sénégal n'avaient pas montré de différences nettes des nombres de mâles et de femelles adultes chez le Busard cendré. Peu de données sont disponibles pour le Busard pâle dans leurs zones d'hivernage africaines; toutefois, le nombre de mâles adultes serait plus élevé que celui des femelles en Afrique orientale.
Le passage post-nuptial de ces deux espèces en Europe est moins important qu'au printemps : les Busards cendrés survolent alors principalement le détroit de Gibraltar, les oiseaux effectuant ainsi une migration circulaire partielle (survol du centre de la Méditerranée au printemps, puis retour automnal en survolant l'Europe de l'ouest). La perte de certaines plumes lors de leur mue post-nuptiale pourrait en effet les obliger à rester au-dessus des terres afin d'économiser leur énergie (leur vol serait en effet moins efficace qu'au printemps). Les Busards pâles pourraient aussi réaliser une migration circulaire entre la Méditerranée centrale au printemps et orientale en automne, mais on manque d'informations pour le confirmer.
Pour certains auteurs, le passage plus important des Busards pâles au printemps au-dessus de la Méditerranée centrale résulterait de mouvements vers l'ouest de l'Afrique en hiver : au printemps, des oiseaux hivernant en Afrique de l'ouest suivraient une route plus directe pour atteindre leurs zones de reproduction en Europe orientale. Mais là aussi, plus de données seraient nécessaires afin de mieux comprendre la route migratoire de cette espèce en automne entre l'Italie et la Tunisie. En particulier, des données de baguage suggèrent qu'à cette période de l'année, les Busards pâles survolent tardivement cette région : trois oiseaux bagués au Cap Bon (Tunisie) au printemps ont ainsi été renotés dans le sud de l'Italie en novembre. Au dessus de la Méditerranée, la plupart des observations de rapaces durant le passage post-nuptial étant réalisées entre la seconde partie d'août et la mi-octobre, le passage des Busards pâles pourrait simplement passer inaperçu. Mais quelle pourrait donc être la route suivie par les Busard pâles hivernant en Tunisie ?
Source : http://www.ornithomedia.com/breves/propos-migration-printaniere-busard-pale-00723.html