De ornithomedia.comCes indices pourraient dissuader les passereaux migrateurs de s’installer dans des secteurs apparemment favorables.
Plusieurs passereaux migrateurs, comme le Tarier des prés (Saxicola rubetra), pourraient détecter la présence de prédateurs grâce à leurs excréments.
Photographie : Franck Vassen / Wikipédia
Pour se reproduire et se nourrir, les animaux tentent de rassembler le maximum d'informations sur leur environnement (ressources alimentaires disponibles, causes de mortalité...). En particulier, la recherche d'un habitat favorable pour nicher est essentielle car la mortalité des jeunes représente une proportion significative de la mortalité totale d'une espèce. La sélection naturelle doit donc favoriser les stratégies qui augmentent la probabilité de détecter efficacement les dangers potentiels, qui varient d'un secteur à l'autre.
Chez les oiseaux, la prédation dans les nids est la cause majeure de la mortalité des jeunes. Mais comment les oiseaux réussissent-ils localement à percevoir les risques et à éviter les zones "dangereuses" ? Beaucoup de mammifères qui mangent les oeufs et les poussins, comme les mustélidés et certains rongeurs, sont en effet difficiles à repérer car ils sont nocturnes et silencieux. Leurs excréments (urine et fèces) constituent des indices possibles. Leur repérage pourrait être visuel (rayonnement ultraviolet de l'urine) ou olfactif (odeurs).
En 2011, des chercheurs finlandais ont répandu des excréments de Vison d'Amérique (
Neovision vision) dilués dans de l'eau dans une zone agricole de 2000 km² à l'ouest de la Finlande pour vérifier si les secteurs touchés (11 parcelles de 2590 x 235 mètres) étaient davantage évités. Chaque parcelle traitée était associée à une parcelle similaire "témoin". Ils ont évalué la réaction des oiseaux en estimant leur densité de nidification (nombre d'espèces et nombre de couples / 100 mètres) après l'épandage. Celui-ci a été fait à la mi-mai et la phase de recensement des oiseaux a eu lieu durant la première semaine de juin, quand tous les migrateurs étaient arrivés.
Le Bruant jaune (
Emberiza citrinella), une espèce sédentaire, était l'oiseau le plus abondant dans la zone (présent dans 90 % des parcelles). Les migrateurs (17 espèces) étaient plus rares.
Les chercheurs ont constaté que la richesse et la densité des oiseaux migrateurs (Alouette des champs, Tarier des prés, Pouillot fitis, Phragmite des joncs…) étaient nettement plus faibles (respectivement -48 % et - 54 % en moyenne) entre les zones où des excréments avaient été répandus et les zones témoins. Le Bruant jaune, présent lui toute l'année, ne semblait pas affecté.
Il semble donc que certains passereaux peuvent détecter la présence de mammifères prédateurs grâce à leur urine et à leurs crottes. Les fortes baisses de densité observées ont toutefois peut être intensifiées à cause d'effets indirects de l'expérience : par exemple, la diminution du nombre des premiers chanteurs a peut être signifié aux arrivants plus récents que la zone était moins favorable, ce qui les a découragé à s'installer; d'autre part les excréments épandus pourrait avoir attiré de nouveaux visons (ce qui est peu probable toutefois car les territoires de ces animaux couvrent des dizaines d'hectares, et l'on aurait alors également du observer des baisses du nombre de passereaux dans les zones non traitées).
On ne connaît pas les mécanismes qui ont permis aux oiseaux de détecter ces indices de présence de prédateurs : le rayonnement ultraviolet de l'urine pourrait être une explication plausible car les oiseaux sont capables de repérer cette longueur d'onde (lire Comment voient les oiseaux et comment limiter les collisions ?). Le repérage par l'odeur n'est pas impossible non plus, car les capacités olfactives des oiseaux sont meilleures que l'on croyait (lire Les poulets peuvent repérer la présence de prédateurs par l'odeur de leurs crottes).
Cette étude montre que les passereaux peuvent détecter des traces d'urines et de crottes de prédateurs. Ce résultat pourrait nous aider à mieux comprendre l'absence de certaines espèces dans des zones apparemment favorables et pourrait servir à dissuader artificiellement des oiseaux de s'installer dans certains secteurs.
Source : http://www.ornithomedia.com/breves/passereaux-pourraient-detecter-presence-predateurs-par-leurs-crottes-leur-urine-00811.html